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nord contre sud.

buissons se dressait entre les derniers détours des canaux et les marécageuses forêts, dont l’ensemble s’étend à travers le comté de Duval, sur la gauche du Saint-John.

« Il me paraît impossible d’aller plus loin, dit Mars. L’eau manque, monsieur Gilbert…

— Et cependant, reprit le jeune officier, nous n’avons pu nous tromper aux traces de culture. Des êtres humains fréquentent cette crique. Peut-être y étaient-ils récemment ? Peut-être y sont-ils encore ?…

— Sans doute, reprit Mars, mais il faut profiter de ce qui reste de jour pour regagner le Saint-John. La nuit commence à se faire, l’obscurité sera bientôt profonde, et comment se reconnaître au milieu de ces passes ? Je crois, monsieur Gilbert, qu’il est prudent de revenir sur nos pas, quitte à recommencer notre exploration demain au point du jour. Retournons, comme d’habitude, à Castle-House. Nous dirons ce que nous avons vu, nous organiserons une reconnaissance plus complète de la Crique-Noire dans de meilleures conditions…

— Oui… il le faut, répondit Gilbert. Cependant, avant de partir, j’aurais voulu… »

Gilbert était resté immobile, jetant un dernier regard sous les arbres, et il allait donner l’ordre de repousser l’embarcation, lorsqu’il arrêta Mars d’un geste.

Le métis suspendit aussitôt sa manœuvre, et, debout, l’oreille tendue, il écouta.

Un cri, ou plutôt une sorte de gémissement continu qu’on ne pouvait confondre avec les bruits habituels de la forêt, se faisait entendre. C’était comme une lamentation de désespoir, la plainte d’un être humain — plainte arrachée par de vives souffrances. On eût dit le dernier appel d’une voix qui allait s’éteindre.

« Un homme est là !… s’écria Gilbert. Il demande du secours !… Il se meurt peut-être !

— Oui ! répondit Mars. Il faut aller à lui !… Il faut savoir qui il est !… Débarquons ! »