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camdless-bay.

et confortables. Groupées par cinquantaines, ces cases formaient une dizaine de hameaux, autrement dit baracons, agglomérés le long des eaux courantes. Là, ces noirs vivaient avec leurs femmes et leurs enfants. Chaque famille était autant que possible affectée au même service des champs, des forêts ou des usines, de manière que ses membres ne fussent point dispersés, aux heures de travail. À la tête de ces divers hameaux, un sous-régisseur, faisant les fonctions de gérant, pour ne pas dire de maire, administrait sa petite commune, qui relevait du chef-lieu de canton. Ce chef-lieu, c’était le domaine privé de Camdless-Bay, enfermé dans un périmètre de hautes palissades, dont les palanques, sortes de pieux jointifs, plantés verticalement, se cachaient à demi sous la verdure de l’exubérante végétation floridienne. Là s’élevait l’habitation particulière de la famille Burbank.

Moitié maison, moitié château, cette habitation avait reçu et méritait le nom de Castle-House.

Depuis bien des années, Camdless-Bay appartenait aux ancêtres de James Burbank. À une époque où les déprédations des Indiens étaient à craindre, ses possesseurs avaient dû en fortifier la principale demeure. Le temps n’était pas éloigné où le général Jessup défendait encore la Floride contre les Séminoles. Pendant longtemps, les colons avaient eu terriblement à souffrir de ces nomades. Non seulement le vol les dépouillait, mais le meurtre ensanglantait leurs habitations que l’incendie détruisait ensuite. Les villes elles-mêmes furent plus d’une fois menacées de l’invasion et du pillage. En maint endroit s’élèvent des ruines que ces sanguinaires Indiens ont laissées après leur passage. À moins de quinze milles de Camdless-Bay, près du hameau de Mandarin, on montre encore la « maison de sang », dans laquelle un colon, M. Motte, sa femme et ses trois jeunes filles, avaient été scalpés, puis massacrés par ces bandits. Mais, actuellement, la guerre d’extermination entre l’homme blanc et l’homme rouge est finie. Les Séminoles, vaincus finalement, ont dû se réfugier au loin, vers l’ouest du Mississipi. On n’entend plus parler d’eux, sauf de quelques bandes qui errent encore dans la portion marécageuse de la Floride méridionale. Le pays n’a donc plus rien à craindre de ces féroces indigènes.