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camdless-bay.

graines comme autant de pétards, en pins-parasols, en tulipiers, sapins, cèdres et surtout en cyprès, cet arbre si répandu à la surface de la péninsule qu’il y forme des forêts dont la longueur va de soixante à cent milles. James Burbank avait dû créer plusieurs scieries importantes en divers points de la plantation. Des barrages, établis sur quelques-uns des rios, tributaires du Saint-John, convertissaient en chute leur cours paisible, et ces chutes donnaient largement la force mécanique que nécessitait le débit des poutres, madriers ou planches, dont cent navires auraient pu prendre, chaque année, des cargaisons entières.

Il faut citer, en outre, de vastes et grasses prairies, qui nourrissaient des chevaux, des mules, et un nombreux bétail, dont les produits subvenaient à tous les besoins agricoles.

Quant aux volatiles d’espèces si variées, qui habitaient les bois ou couraient les champs et les plaines, on imaginerait difficilement à quel point ils pullulaient à Camdless-Bay — comme dans toute la Floride, d’ailleurs. Au-dessus des forêts planaient les aigles à tête blanche, de grande envergure, dont le cri aigu ressemble à la fanfare d’une trompette fêlée, des vautours, d’une férocité peu ordinaire, des butors géants, au bec pointu comme une baïonnette. Sur la rive du fleuve, entre les grands roseaux de la berge, sous l’entrecroisement des bambous gigantesques, vivaient des flamants rosés ou écarlates, des ibis tout blancs qu’on eût dit envolés de quelque monolithe égyptien, des pélicans de taille colossale, des myriades de sternes, des hirondelles de mer de toutes sortes, des crabiers vêtus d’une huppe et d’une pelisse verte, des courlans, au plumage de pourpre, au duvet brun et tacheté de points blanchâtres, des jacamars, martins-pêcheurs à reflets dorés, tout un monde de plongeons, de poules d’eau, de canards « widgeons » appartenant à l’espèce des siffleurs, des sarcelles, des pluviers, sans compter les pétrels, les puffins, les becs-en-ciseaux, les corbeaux de mer, les mouettes, les paille-en-queue, qu’un coup de vent suffisait à chasser jusqu’au Saint-John, et parfois même des exocets ou poissons-volants, qui sont de bonne prise pour les gourmets. À travers les prairies pullulaient les bécassines, les bécasseaux, les courlis, les barges marbrées, les poules sultanes au plumage