Page:Verne - Nord contre sud, Hetzel, 1887.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
coup de vent de nord-est.

« Elles ont gagné d’une demi-encablure !

— Non ! Elles n’ont pas plus remué que si leur ancre était encore par le fond !

— En voici une qui évolue !

— Oui ! mais elle se présente par le travers et pivote, parce que l’eau lui manque !

— Ah ! quelle fumée !

— Quand ils brûleraient tout le charbon des États-Unis, ils ne passeront pas !

— Et maintenant, voici que la marée commence à perdre !

— Hurrah pour le Sud !

— Hurrah. »

Cette tentative, faite par la flottille, dura dix minutes environ — dix minutes qui parurent longues à Texar, à ses partisans, à tous ceux dont la prise de Jacksonville eût compromis la liberté ou la vie. Ils ne savaient même à quoi s’en tenir, la distance étant trop grande pour que l’on pût aisément observer la manœuvre des canonnières. Le chenal était-il franchi, ou allait-il l’être, en dépit des hurrahs prématurés qui éclataient au milieu de la foule ? S’allégeant de tout le poids inutile, se délestant pour relever ses lignes de flottaison, le commandant Stevens ne parviendrait-il pas à gagner le peu d’espace qu’il lui fallait pour retrouver une eau plus profonde, une navigation facile jusqu’à la hauteur du port ? C’était toujours à craindre, tant que durerait l’étale de la mer haute.

Cependant, ainsi qu’on le disait, déjà la marée commençait à perdre. Or, le jusant une fois établi, le niveau du Saint-John s’abaisserait très rapidement.

Soudain les bras se tendirent vers l’aval du fleuve, et ce cri domina tous les autres :

« Un canot !… un canot ! »

En effet, une légère embarcation se montrait près de la rive gauche, où le courant de flux se faisait encore sentir, tandis que le reflux prenait de la force au milieu du chenal. Cette embarcation, enlevée à force de rames,