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nord contre sud.

troupes nordistes, débarquées depuis quelques jours à Fernandina, et qui ne pouvaient abandonner cette importante position au nord de l’État de Floride. Aux canonnières du commandant Stevens incombait cette tâche. Or, pour l’accomplir, il fallait, avant tout, franchir la barre du Saint-John. Alors, la ligne des embarcations étant forcée, la flottille n’aurait plus qu’à s’embosser à la hauteur du port. De là, quand elle tiendrait la ville sous ses feux, nul doute que les milices battissent en retraite à travers les inaccessibles marécages du comté. Texar et ses partisans se hâteraient certainement de les suivre, afin d’éviter de trop justes représailles. Les honnêtes gens pourraient aussitôt reprendre la place, dont ils avaient été indignement chassés, et traiter avec les représentants du gouvernement fédéral pour la reddition de la ville.

Or, ce passage de la barre, était-il possible de l’effectuer, et cela dans un si court délai ? Y avait-il quelque moyen de vaincre l’obstacle matériel que le manque d’eau opposait toujours à la marche des canonnières ? C’était désormais très douteux, comme on va le voir.

En effet, après le prononcé du jugement, Texar et le commandant des milices de Jacksonville s’étaient rendus sur le quai pour observer le cours inférieur du fleuve. On ne s’étonnera pas que leurs regards fussent alors obstinément fixés vers le barrage d’aval, et leurs oreilles prêtes à recueillir toute détonation qui viendrait de ce côté du Saint-John.

« Rien de nouveau n’a été signalé ? demanda Texar, après s’être arrêté à l’extrémité de l’estacade.

— Rien, répondit le commandant. Une reconnaissance que je viens de faire dans le nord me permet d’affirmer que les fédéraux n’ont point quitté Fernandina pour se porter sur Jacksonville. Très vraisemblablement, ils resteront en observation sur la frontière géorgienne, en attendant que leurs flottilles aient forcé le chenal.

— Des troupes ne peuvent-elles venir du sud, après avoir quitté Saint-Augustine, et passer le Saint-John à Picolata ? demanda l’Espagnol.

— Je ne le pense pas, répondit l’officier. Comme troupes de débarquement, Dupont n’a que ce qu’il faut pour occuper la ville, et son but est