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nord contre sud.

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sonnel, après avoir quitté ses baracons, commença à s’assembler devant Castle-House. Ces braves gens n’étaient rentrés ni aux ateliers, ni dans les champs ni dans les chantiers d’abattage, après le dîner de midi. Ils avaient voulu faire un peu de toilette, changer les habits de travail pour des vêtements plus propres, selon l’habitude, lorsqu’on leur ouvrait la poterne de l’enceinte. Donc, grande animation, va-et-vient de case à case, tandis que le régisseur Perry, se promenant de l’un à l’autre des baracons, grommelait :

« Quand je pense qu’en ce moment, on pourrait encore trafiquer de ces noirs, puisqu’ils sont toujours à l’état de marchandise ! Et, avant une heure, voilà qu’il ne sera plus permis ni de les acheter ni de les vendre ! Oui ! je le répéterai jusqu’à mon dernier souffle ! Monsieur Burbank a beau faire et beau dire, et après lui le président Lincoln, et après le président Lincoln, tous les fédéraux du Nord et tous les libéraux des deux mondes, c’est contre nature ! »

En cet instant, Pygmalion, qui ne savait rien encore, se trouva face à face avec le régisseur.

« Pourquoi nous convoque-t-on, monsieur Perry ? demanda Pyg. Auriez-vous la bonté de me le dire ?

— Oui, imbécile ! C’est pour te… »

Le régisseur s’arrêta, ne voulant point trahir le secret. Une idée lui vint alors.

« Approche ici, Pyg ! » dit-il.

Pygmalion s’approcha.

« Je te tire quelquefois l’oreille, mon garçon ?

— Oui, monsieur Perry, puisque, contrairement à toute justice humaine ou divine, c’est votre droit.

— Eh bien, puisque c’est mon droit, je vais me permettre d’en user encore ! »

Et, sans se soucier des cris de Pyg, sans lui faire grand mal, non plus, il lui secoua les oreilles qui étaient déjà d’une belle longueur. Vraiment, cela soulagea le régisseur d’avoir, une dernière fois, exercé son droit sur un des esclaves de la plantation.