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mistress branican.

la tête en signe de mécontentement. Elle s’empressa de saisir le bras de Dolly, répéta ce mot :

« Venez !… Venez !… »

Dolly ne l’entendait même pas.

« Viens, ma Dolly, viens !… » dit Jane.

Et elle cherchait à l’entraîner, à détourner ses regards de la voile qui se déplaçait à l’horizon.

Dolly résista.

« Non !… Non ! » s’écria-t-elle.

Et elle repoussa la mulâtresse avec une force dont on ne l’eût pas crue capable.

Mrs. Burker et Nô se sentirent très inquiètes. Elles pouvaient craindre que Dolly leur échappât, qu’irrésistiblement attirée par cette troublante vision, où dominait le souvenir de John, elle voulût descendre les pentes de Knob-Hill et se précipiter vers la mer.

Mais, subitement, cette surexcitation tomba. Le soleil venait de disparaître derrière un nuage, et la voile n’apparaissait plus à la surface de l’Océan.

Dolly redevenue inerte, le bras retombé, le regard éteint, n’avait plus conscience de la situation. Les sanglots qui soulevaient convulsivement sa poitrine avaient cessé, comme si la vie se fût retirée d’elle. Alors Jane lui prit la main ; elle se laissa emmener sans résistance et rentra tranquillement à Prospect-House.

À partir de ce jour, Len Burker décida que Dolly ne se promènerait plus que dans l’enclos du chalet, et Jane dut se conformer à cette injonction.

Ce fut à cette époque que M. William Andrew se décida à instruire le capitaine John de tout ce qui s’était passé, l’aliénation de Mrs. Branican ne laissant plus l’espoir d’une amélioration. Ce ne fut pas à Singapore, d’où le Franklin devait être déjà reparti, après avoir achevé sa relâche, ce fut à Calcutta qu’il adressa une longue dépêche, que John trouverait à son arrivée aux Indes.