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mistress branican.

— Alors je suis libre ?…

— Aussi libre que je le suis moi-même.

— Mais les indigènes ?…

— Ils sont partis avec leur chef, et il n’y a plus que nous au campement.

— Partis ?… s’écria John.

— Voyez ! »

Le capitaine John s’élança d’un bond hors de la hutte.

En ce moment, sur le bord de la rivière, il n’y avait que les noirs de l’escorte de Len Burker : les Indas n’étaient plus là.

On voit ce qu’il y avait de vrai et de mensonger dans le récit de Len Burker. De la folie de mistress Branican, il n’avait rien dit. De la fortune qui était échue à Dolly par la mort d’Edward Starter, il n’avait pas parlé. Rien, non plus, des tentatives faites par le Dolly-Hope à travers les parages de la mer des Philippines et le détroit de Torrès pendant les années 1879 et 1882. Rien de ce qui s’était passé entre Mrs. Branican et Harry Felton à son lit de mort. Rien enfin de l’expédition organisée par cette intrépide femme, maintenant abandonnée au milieu du Great-Sandy-Desert, et dont lui, l’indigne Burker, s’attribuait le mérite. C’était lui qui avait tout fait, c’était, lui qui, au risque de sa vie, avait délivré le capitaine John !

Et comment John aurait-il pu mettre en doute la véracité de ce récit ? Comment n’aurait-il pas remercié avec effusion celui qui, après tant de périls, venait de l’arracher aux Indas, celui qui allait le rendre à sa femme et à son enfant ?

C’est ce qu’il fit, et en termes qui auraient touché un être moins dénaturé. Mais le remords n’avait plus prise sur la conscience de Len Burker, et rien ne l’empêcherait d’aller jusqu’à l’accomplissement de ses criminels projets. Maintenant John Branican se hâterait de le suivre jusqu’au campement où Jane l’attendait… Pourquoi eût-il hésité ?… Et, pendant ce trajet, Len Burker trouverait l’occasion de le faire disparaître, sans être soupçonné des noirs de son escorte, qui ne pourraient témoigner ultérieurement contre lui…