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mistress branican.

à supporter de fatigues, de privations, de misères, fut tel que, quatre mois après son départ, il vint tomber mourant sur le bord du Parru, dans le district d’Ulakarara de la Nouvelle-Galles du Sud. Ramené à l’hôpital de Sydney, il y avait langui pendant plusieurs semaines, puis il était mort, après avoir pu dire à Mrs. Branican tout ce qui concernait le capitaine John.

Terrible épreuve pour John de n’avoir plus son compagnon près de lui, et il fallait que son énergie morale fût à la hauteur de son énergie physique pour qu’il ne s’abandonnât pas au désespoir. À qui parlerait-il désormais de ce qui lui était si cher, de son pays, de San-Diégo, des êtres adorés qu’il avait laissés là-bas, de sa courageuse femme, de son fils Wat qui grandissait loin de lui et qu’il ne connaîtrait jamais peut-être, de M. William Andrew, de tous ses amis enfin ?… Depuis neuf ans déjà, John était prisonnier des Indas, et combien d’années s’écouleraient, avant que la liberté lui fût rendue ? Cependant, il ne perdit pas espoir, étant soutenu par cette pensée que s’il réussissait à gagner une des villes du littoral australien, Harry Felton ferait tout ce qu’il est humainement possible de faire pour délivrer son capitaine…

Pendant les premiers temps de sa captivité, John avait appris à parler la langue indigène, qui, par la logique de sa grammaire, la précision de ses termes, la délicatesse de ses expressions, semble témoigner que l’indigénat australien aurait joui autrefois d’une réelle civilisation. Aussi avait-il souvent entretenu Willi des avantages qu’il aurait à laisser ses prisonniers libres de retourner au Queensland ou dans l’Australie méridionale, d’où ils seraient en mesure de lui faire parvenir telle rançon qu’il exigerait. Mais, de nature très défiante, Willi n’avait rien voulu entendre à ce propos. Si la rançon arrivait, il rendrait la liberté au capitaine John et à son second. Quant à s’en rapporter à leurs promesses, jugeant probablement les autres d’après lui-même, jamais il n’avait voulu y consentir.

Il s’ensuit donc que l’évasion de Harry Felton, qui lui causa une