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chez les indas.

Ces indigènes, appartenant à la tribu des Indas, entraînèrent vers l’intérieur le capitaine John, le second Harry Felton et le dernier matelot échappé au massacre. Ce matelot, qui avait été blessé, ne devait pas guérir de ses blessures. Quelques semaines plus tard, John Branican et Harry Felton étaient les seuls survivants de la catastrophe du Franklin.

Alors commença pour eux une existence qui, dans les premiers jours, fut sérieusement menacée. On l’a dit, ces Indas, ainsi que toutes les tribus errantes ou sédentaires de l’Australie septentrionale, sont farouches et sanguinaires. Les prisonniers qu’ils font dans leurs guerres incessantes de tribus à tribus, ils les tuent impitoyablement et les dévorent. Il n’existe pas de coutume plus profondément invétérée que le cannibalisme chez ces aborigènes, de véritables bêtes fauves.

Pourquoi le capitaine John et Harry Felton furent-ils épargnés ? Cela tint aux circonstances.

On n’ignore pas que, parmi les indigènes de l’intérieur et du littoral, l’état de guerre se perpétue de générations en générations. Les sédentaires s’attaquent de village à village, se détruisent et se repaissent des prisonniers qu’ils ont faits. Mêmes coutumes chez les nomades : ils se poursuivent de campement en campement, et la victoire finit toujours par d’épouvantables scènes d’anthropophagie. Ces massacres amèneront inévitablement la destruction de la race australienne, et aussi sûrement que les procédés anglo-saxons, bien qu’en certaines circonstances, ces procédés aient été d’une barbarie inavouable. Comment qualifier autrement de pareils actes, — les noirs, chassés par les blancs comme un gibier, avec toutes les émotions raffinées que peut procurer ce genre de sport ; les incendies propagés largement, afin que les habitants ne soient pas plus épargnés que les « gunyos » d’écorce, qui leur servent de demeures ? Les conquérants ont même été jusqu’à se servir de l’empoisonnement en masse par la strychnine, ce qui permettait d’obtenir une destruction plus rapide. Aussi a-t-on pu citer cette phrase, échap-