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indique bien les incertitudes de sa marche par les multiples tours et détours que nécessite la recherche des puits. Ici ses gens malades, affamés, sont à bout de forces… Là ses bêtes sont décimées, son fils est mourant… Mieux vaudrait ne pas lire le récit de son voyage, si l’on veut le recommencer après lui… Les plus hardis reculeraient… Mais je l’ai lu, et je le relis… Je ne me laisserai pas effrayer… Ce que cet explorateur a bravé pour étudier les régions inconnues du continent australien, je le brave, moi, pour retrouver John… Le seul but de ma vie est là, et je l’atteindrai !

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3 février. — Depuis cinq jours, nous avons dû diminuer encore la moyenne de nos étapes. Autant de perdu sur la longueur du chemin à parcourir. Rien n’est plus regrettable. Notre caravane, retardée par les accidents de terrain, est incapable de suivre la droite ligne. Le sol est fortement accidenté, ce qui nous oblige à monter et à descendre des pentes parfois très raides. En maint endroit, il est coupé de dunes, entre lesquelles les chameaux sont contraints de circuler, puisqu’ils ne peuvent les franchir. Il y a aussi des collines sablonneuses qui s’élèvent jusqu’à cent pieds, et que séparent des intervalles de six à sept cents. Les piétons enfoncent dans ce sable, et la marche devient de plus en plus pénible.

La chaleur est accablante. On ne saurait se figurer avec quelle intensité le soleil darde ses rayons. Ce sont des flèches de feu, qui vous percent en mille places. Jane et moi, c’est à peine s’il nous est possible de demeurer sous l’abri de notre kibitka. Ce que doivent souffrir nos compagnons pendant les étapes du matin ou du soir ! Zach Fren, si robuste qu’il soit, est très éprouvé par les fatigues ; mais il ne se plaint pas, il n’a rien perdu de sa bonne humeur, cet ami dévoué, dont l’existence est liée à la mienne !

Jos Meritt supporte ces épreuves avec un courage tranquille, une résistance aux privations qu’on est tenté de lui envier. Gîn-Ghi,