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journal de mistress branican.

un plus violent orage, un plus assourdissant échange de détonations et d’éclairs.

Je pus observer alors ce qui m’avait été dit de l’attitude des aborigènes australiens en présence de ces météores. Ils ne craignent pas d’être frappés du tonnerre, ils ne ferment pas les yeux devant l’éclair, ils ne frémissent pas aux éclats de la foudre. En effet, c’étaient des exclamations de joie que poussaient les noirs de notre escorte. Ils ne subissaient en aucune façon cette impression physique que ressent tout être vivant, lorsque l’espace est chargé d’électricité, au moment où ce fluide se manifeste par le déchirement des nues dans les hauteurs du ciel en feu.

Décidément, l’appareil nerveux est peu sensible chez ces êtres primitifs. Après tout, peut-être saluaient-ils dans cet orage le déluge qu’il pouvait contenir ? Et en vérité, cette attente était le supplice de Tantale dans toute son âpreté.

« Mistress Dolly… mistress Dolly, me disait Godfrey, c’est pourtant de l’eau, de la bonne eau pure, de l’eau du ciel, qui est suspendue sur notre tête ! Voilà des éclairs qui crèvent ces nuages, et il n’en tombe rien !

— Un peu de patience, mon enfant, lui répondis-je, ne nous désespérons pas…

— En effet, dit Zach Fren, les nuages s’épaississent et s’abaissent en même temps. Ah ! si le vent voulait s’apaiser, tout ce vacarme finirait en cataractes ! »

De fait, ce qu’il y avait le plus à craindre, c’était que l’ouragan n’emportât cet amas de vapeurs vers le sud, sans nous verser une goutte d’eau…

Vers trois heures de l’après-midi, il semble que l’horizon au nord commence à se dégager, que l’orage aura bientôt pris fin. Ce sera une cruelle déception !

« Bien !… Oh !… Très bien ! »

C’est Jos Meritt qui vient de lancer son exclamation habituelle. Jamais cette locution approbative n’a été plus justifiée. Notre