Dans ces conditions, la marche devient extrêmement pénible. C’est un parti à prendre, car nous aurons des centaines de milles à franchir au milieu de ces plaines de spinifex. C’est l’arbuste du désert, le seul qui puisse végéter sur les arides territoires du centre de l’Australie.
La chaleur s’accroît sans cesse, l’ombre manque partout. Nos piétons souffrent à l’excès de cette température violente. Et croirait-on que, cinq mois plus tôt, ainsi que l’a constaté le colonel Warburton, le thermomètre s’abaisse quelquefois bien au-dessous de zéro, et les creeks sont emprisonnés sous une couche de glace épaisse d’un pouce ?
Les creeks se multiplient à cette époque ; mais, à présent, quelle que soit la profondeur à laquelle on creuserait leur lit, il ne s’y trouverait pas une seule goutte d’eau.
Tom Marix a donné l’ordre à ceux des gens de l’escorte qui sont montés, de céder de temps à autre leurs montures à ceux qui ne le sont pas. Cette mesure a été prise dans le but de donner satisfaction aux réclamations des noirs. Je vois avec regret que Len Burker s’est fait leur porte-parole en cette circonstance. Certainement ces hommes sont à plaindre : s’en aller pieds nus au milieu des touffes de spinifex, par une température qui est à peine supportable, même le soir, même le matin, c’est extrêmement pénible. En tout cas, ce n’est pas à Len Burker d’exciter leur jalousie contre l’escouade des blancs. Il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Je le prie de s’observer.
« Ce que j’en fais, Dolly, me répond-il, c’est dans l’intérêt commun.
— Je veux le croire, ai-je répliqué.
— Il importe de répartir justement les charges…
— Laissez-moi ce soin, monsieur Burker, dit Tom Marix, qui est intervenu dans la discussion. Je prendrai les mesures nécessaires. »
Je le vois bien, Len Burker se retire avec un dépit mal déguisé, et il nous a lancé un mauvais regard. Jane s’en est aperçue, au moment où les yeux de son mari se sont fixés sur elle, et la pauvre femme a détourné la tête.