Lorsque nous rencontrons des indigènes, il nous est très utile, car il parle leur langue assez pour les comprendre et en être compris. Puisse le mari de ma pauvre Jane s’être sérieusement amendé, mais je crains !… Son regard n’a pas changé — un de ces regards sans franchise, qui se détournent…
13 novembre. — Il n’y a rien eu de nouveau pendant ces trois jours. Quel soulagement et quelle consolation j’éprouve à voir Jane près de moi ! Que de propos nous échangeons dans la kibitka, où nous sommes renfermées toutes les deux ! J’ai fait partager ma conviction à Jane, elle ne met plus en doute que je retrouverai John. Mais la pauvre femme est toujours triste. Je ne la presse point de questions sur son passé depuis le jour où Len Burker l’a forcée de le suivre en Australie. Je comprends qu’elle ne puisse se livrer tout entière. Il me semble quelquefois qu’elle va dire des choses… On croirait que Len Burker la surveille… Quand elle l’aperçoit, quand il s’approche, son attitude change, son visage se décompose… Elle en a peur… Il est certain que cet homme la domine, et que, sur un geste de lui, elle l’accompagnerait au bout du monde.
Jane paraît avoir de l’affection pour Godfrey, et pourtant, lorsque ce cher enfant vient près de notre kibitka dans l’intention de causer, elle n’ose lui adresser la parole, ni même lui répondre… Ses yeux se détournent, elle baisse la tête… On dirait qu’elle souffre de sa présence.
Aujourd’hui, nous traversons une longue plaine marécageuse pendant l’étape du matin. Il s’y rencontre quelques flaques d’eau, une eau saumâtre, presque salée. Tom Marix nous dit que ces marais sont des restes d’anciens lacs, qui se reliaient autrefois au lac Eyre et au lac Torrens pour former une mer en dédoublant le continent. Par bonheur, nous avions pu faire une provision d’eau à notre halte de la veille, et nos chameaux se sont désaltérés abondamment.