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mistress branican.

doyantes oasis. Toutefois les régions centrales du continent australien n’ont rien de commun avec les régions septentrionales de l’Afrique, si ce n’est la rareté de l’eau. « L’eau s’est mise à l’ombre », disent les indigènes, et le voyageur est réduit à errer de puits en puits, situés pour la plupart à des distances considérables. Cependant bien que le sable, soit qu’il s’étende en couches, soit qu’il se relève en dunes, recouvre en grande partie le sol australien, ce sol n’est pas absolument aride. Des arbrisseaux, agrémentés de fleurettes, quelques arbres de loin en loin, gommiers, acacias ou eucalyptus, cela est moins attristant que la nudité du Sahara. Mais ces arbres, ces arbrisseaux, ne fournissent ni fruits ni feuilles comestibles aux caravanes, qui sont obligées d’emporter leurs vivres, et c’est à peine si la vie animale est représentée au milieu de ces solitudes par le vol des oiseaux de passage.

Mrs. Branican tenait avec une régularité et une exactitude parfaite son journal de voyage. Quelques notes de ce journal feront connaître, plus nettement que les montrerait un simple récit, les incidents de ce cheminement si pénible. Elles diront mieux aussi ce qu’était l’âme ardente de Dolly, sa fermeté au milieu des épreuves, son inébranlable ténacité à ne point désespérer, même lorsque le moment arriva où la plupart de ses compagnons désespérèrent autour d’elle. On y verra enfin ce dont une femme est capable, quand elle se dévoue à l’accomplissement d’un devoir.

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10 novembre. — Nous avons quitté notre campement du mont Liebig à quatre heures du matin. Ce sont de précieux renseignements que nous a fournis ce courrier. Ils concordent avec ceux de ce pauvre Felton. Oui, c’est au nord-ouest et plus spécialement du côté de la rivière Fitz-Roy qu’il faut chercher la tribu des Indas. Près de huit cents milles à franchir !… Nous les franchirons. J’arriverai, dussé-je arriver seule, dussé-je devenir prisonnière de cette tribu. Du moins, je le serais avec John !