Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.
317
en remontant vers le nord.

— On dirait plutôt le ressac des lames sur une grève, » fit observer Godfrey.

Cependant il n’y avait aucun symptôme d’orage, et l’atmosphère ne décelait aucune saturation électrique. Quant à quelque déchaînement d’eaux furieuses, il n’aurait pu être produit que par une subite inondation, due au trop-plein des creeks. Mais lorsque Zach Fren voulut donner cette explication au phénomène :

« Une inondation dans cette partie du continent, à cette époque et après une telle sécheresse ?… répondit Tom Marix. Soyez certain que c’est impossible ! »

Et il avait raison.

Qu’à la suite de violents orages, il survienne parfois des crues provoquées par l’excessive abondance des eaux pluviales, que les nappes liquides se répandent à la surface des terrains en contre-bas, cela se voit quelquefois pendant la mauvaise saison. Mais, à la fin d’octobre, l’explication était inadmissible.

Tom Marix, Zach Fren et Godfrey, s’étaient hissés sur le rebord de l’épaulement et portaient un regard inquiet dans le sens du nord et de l’est.

Rien en vue sur toute l’immense étendue des plaines mornes et désertes. Toutefois, au-dessus de l’horizon, se déroulait un nuage de forme bizarre qu’on ne pouvait confondre avec ces vapeurs que les longues chaleurs accumulent à la ligne périphérique de la terre et du ciel. Ce n’était point un amas de brumes à l’état vésiculaire ; c’était plutôt une agglomération de ces volutes aux contours nets que produisent les décharges de l’artillerie. Quant au bruit qui s’échappait de cet amoncellement poussiéreux, — comment douter que ce fût un énorme rideau de poussière ? — il s’accroissait rapidement, semblable à quelque piétinement cadencé, une sorte de chevauchement colossal, répercuté par le sol élastique de l’immense prairie. D’où venait-il ?

« Je sais… j’ai déjà été témoin… Ce sont des moutons ! s’écria Tom Marix.