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mistress branican.

milieu d’une tribu australienne, sur la tête d’un chef des territoires du nord ou du nord-ouest, qu’il rencontrerait cet introuvable chapeau, dont la conquête l’avait déjà entraîné, au péril de sa vie, chez les anthropophages du continent australien. Ce qu’il faut d’ailleurs observer, c’est que, s’il n’avait pas réussi chez ces peuplades du Queensland, il ne semblait pas qu’il eût réussi davantage parmi les indigènes de Kilna, puisqu’il s’était remis en campagne et continuait son aventureuse pérégrination en remontant vers les déserts du centre.

Le 13 octobre, au lever du soleil, Tom Marix donna le signal du départ. La caravane reprit son ordre de marche habituel. C’était une véritable satisfaction pour Dolly d’avoir Jane près d’elle, une grande consolation pour Jane d’avoir retrouvé Mrs. Branican. Le buggy, qui les transportait toutes les deux, et dans lequel elles pouvaient s’isoler, leur permettait d’échanger bien des pensées, bien des confidences. Pourquoi fallait-il que Jane n’osât pas aller jusqu’au bout dans cette voie, qu’elle fût contrainte à se taire ? Parfois, en voyant cette double affection maternelle et filiale, qui se manifestait à tout moment par un regard, par un geste, par un mot, entre Dolly et Godfrey, il lui semblait que son secret allait lui échapper… Mais les menaces de Len Burker lui revenaient à l’esprit, et, dans la crainte de perdre le jeune novice, elle affectait même à son égard une quasi-indifférence que Mrs. Branican ne remarquait pas sans quelque chagrin.

Et l’on s’imaginera aisément ce qu’elle dut éprouver, lorsque Dolly lui dit un jour :

« Tu dois me comprendre, Jane, avec cette ressemblance qui m’avait si vivement frappée, avec ces instincts que je sentais persister en moi, j’ai pu croire que mon enfant avait échappé à la mort, que ni M. William Andrew ni personne de mes amis ne l’avaient su… Et de là, à penser que Godfrey était notre fils, à John et à moi… Mais non !… Le pauvre petit Wat repose maintenant dans le cimetière de San-Diégo !