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mistress branican.

Len Burker avait alors quarante-cinq ans. Ayant peu vieilli, resté droit et vigoureux, il avait toujours ce même regard fuyant et faux, cette physionomie empreinte de dissimulation, qui inspirait la méfiance. Quant à Jane, elle paraissait avoir dix ans de plus que son âge, les traits flétris, les cheveux blanchis aux tempes, le corps accablé. Et pourtant, son regard, éteint par la misère, s’enflamma, lorsqu’il se porta sur Dolly.

Après l’avoir serrée entre ses bras, Mrs. Branican avait emmené Jane dans une des chambres mises à sa disposition par le squatter de Waldek-Hill. Là, il fut loisible aux deux femmes de s’abandonner à leurs sentiments. Dolly ne se souvenait que des soins dont Jane l’avait entourée au chalet de Prospect-House. Elle n’avait rien à lui reprocher, et elle était prête à pardonner à son mari, s’il consentait à ne plus les séparer l’une de l’autre.

Toutes deux causèrent longuement. Jane ne dit de son passé que ce qu’elle en pouvait dire sans compromettre Len Burker, et Mrs. Branican se montra très réservée en la questionnant à ce sujet. Elle sentait combien la pauvre créature avait souffert et souffrait encore. Cela ne lui suffisait-il pas qu’elle fût digne de toute sa pitié, digne de toute son affection ? La situation du capitaine John, cette inébranlable assurance qu’elle avait de le retrouver bientôt, les efforts qu’elle tenterait pour y réussir, voilà ce dont elle parla surtout — puis aussi de son cher petit Wat… Et, lorsqu’elle en évoqua le souvenir toujours vivant en elle, Jane devint si pâle, sa figure subit une altération telle que Dolly crut que la pauvre femme allait se trouver mal.

Jane parvint à se dominer, et il fallut qu’elle racontât sa vie depuis la funeste journée où sa cousine était devenue folle jusqu’à l’époque où Len Burker l’avait contrainte à quitter San-Diégo.

« Est-il possible, ma pauvre Jane, dit alors Dolly, est-il possible, que, pendant ces quatorze mois, alors que tu me donnais tes soins, il ne se soit jamais fait un éclaircissement dans mon esprit ?… Est-il possible que je n’aie eu aucun souvenir de mon pauvre John ?…