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mistress branican.

traversé en poussant de nombreuses reconnaissances à l’est et à l’ouest.

— Et quel a été le créateur de cette ligne ? demanda Mrs. Branican.

— Un ingénieur aussi hardi qu’intelligent, M. Todd, le directeur des postes et télégraphes d’Adélaïde, un de nos concitoyens que l’Australie honore comme il le mérite.

— Est-ce qu’il a pu trouver ici le matériel que nécessitait une pareille œuvre ?

— Non, mistress, répondit Tom Marix, et il a dû faire venir d’Europe les isolateurs, les fils et même les poteaux de sa ligne. Actuellement, la colonie serait en mesure de fournir aux besoins de n’importe quelle entreprise industrielle.

— Est-ce que les indigènes ont laissé exécuter ces travaux sans les troubler ?

— Au début, ils faisaient mieux ou plutôt pis que de les troubler, mistress Branican. Ils détruisaient le matériel, les fils pour se procurer du fer, les poteaux pour en fabriquer des haches. Aussi, sur un parcours de dix-huit cent cinquante milles[1], y eut-il des rencontres incessantes avec les Australiens, bien qu’elles ne fussent point à leur avantage. Ils revenaient à la charge, et vraiment, je crois qu’il aurait fallu abandonner l’affaire, si M. Todd n’avait eu une véritable idée d’ingénieur et même une idée de génie. Après s’être emparé de quelques chefs de tribus, il leur fit appliquer, au moyen d’une forte pile, un certain nombre de secousses électriques dont ils furent à la fois si effrayés et si secoués que leurs camarades n’osèrent plus s’approcher des appareils. La ligne put alors être achevée, elle fonctionne maintenant d’une façon régulière.

— N’est-elle donc pas gardée par des agents ? demanda Mrs. Branican.

— Par des agents, non, répondit Tom Marix, mais par des escouades de la police noire, comme nous disons dans le pays.

  1. Soit 3,400 kilomètres.