lieu des plus féroces tribus d’aborigènes. Là, le cannibalisme est à l’état endémique, pourrait-on dire. Aussi Jos Meritt et Gîn-Ghi, tombés entre les mains de ces noirs, eussent-ils infailliblement péri, sans l’intervention de la police. Délivrés à temps, ils avaient pu regagner la capitale du Queensland, puis Sydney, d’où le paquebot venait de les ramener à Adélaïde. En somme, cela n’avait pas corrigé l’Anglais de ce besoin d’exposer sa personne et celle de son compagnon, puisque, au dire de Gîn-Ghi, ils se préparaient à visiter le centre du continent australien.
« Et tout cela, pour un chapeau ! s’écria le Chinois. Ay ya… Ay ya !… Lorsque j’y pense, mes larmes s’égrènent comme des gouttes de pluie sur les jaunes chrysanthèmes !
— Quand vous aurez fini d’égrener… Gîn-Ghi ? répliqua Jos Meritt en fronçant son sourcil.
— Mais, ce chapeau, si vous le retrouvez jamais, mon maître Jos, ce ne sera plus qu’une loque…
— Assez, Gîn-Ghi !… Trop même !… Je vous défends de vous exprimer ainsi sur ce chapeau-là et sur n’importe quel autre ! Vous m’entendez ?… Bien !… Oh !… Très bien ! Si cela recommence, je vous ferai administrer de quarante à cinquante coups de rotin sous la plante des pieds !
— Nous ne sommes pas en Chine, riposta Gîn-Ghi.
— Je vous priverai de nourriture !
— Cela me fera maigrir.
— Je vous couperai votre natte au ras du crâne !
— Couper ma natte ?…
— Je vous mettrai à la diète de tabac !
— Le dieu Fô me protège !
— Il ne vous protégera pas. »
Et, devant cette dernière menace, Gîn-Ghi redevint soumis et respectueux.
En réalité, de quel chapeau s’agissait-il, et pourquoi Jos Meritt passait-il sa vie à courir après un chapeau ?