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godfrey.

soins. Oh ! Je vous ai aperçue bien souvent, lorsque vous veniez visiter vos enfants de l’hospice !… Vous ne me voyiez pas entre tous les petits, mais je vous voyais, moi… et j’aurais voulu vous embrasser !… Puis, comme j’avais du goût pour la navigation, lorsque j’ai eu l’âge, je suis parti mousse… Et d’autres aussi, des orphelins de Wat-House, s’en sont allés sur des navires… et nous n’oublierons jamais ce que nous devons à mistress Branican… à notre mère !…

— Votre mère ! » s’écria Dolly, qui tressaillit, comme si ce nom eût retenti jusqu’au fond de ses entrailles.

Elle avait attiré Godfrey… Elle le couvrait de baisers… Il les lui rendait… Il pleurait… C’était entre elle et lui un abandon familier dont ni l’un ni l’autre ne songeait à s’étonner, tant il leur semblait naturel.

Et, dans son coin, Zach Fren, effrayé de ce qu’il comprenait, des sentiments qu’il voyait s’enraciner dans l’âme de Dolly, murmurait :

« La pauvre femme !… La pauvre femme !… Où se laisse-t-elle entraîner ! »

Mrs. Branican s’était levée, et dit :

« Allez, Godfrey !… Allez, mon enfant !… Je vous reverrai… J’ai besoin d’être seule… »

Après l’avoir regardée une dernière fois, le jeune novice se retira lentement. Zach Fren se préparait à le suivre, lorsque Dolly l’arrêta d’un geste.

« Restez, Zach. »

Puis :

« Zach, dit-elle par mots saccadés, qui dénotaient l’extraordinaire agitation de son esprit, Zach, cet enfant a été élevé avec les enfants trouvés de Wat-House… Il est né à San-Diégo… Il a de quatorze ans à quinze ans… Il ressemble trait pour trait à John… C’est sa physionomie franche, son attitude résolue… Il a le goût de la mer comme lui… C’est le fils d’un marin… C’est le fils de John… C’est le mien !… On