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par oui et par non !

s’était passé depuis neuf ans, c’est-à-dire depuis le jour où le capitaine John et Harry Felton avaient été capturés par les indigènes du littoral. On apprit ainsi qu’il s’agissait d’Australiens nomades… Les prisonniers avaient dû les suivre pendant leurs incessantes pérégrinations à travers les territoires de la Terre de Tasman, en menant l’existence la plus misérable… Pourquoi avaient-ils été épargnés ?… Était-ce pour tirer d’eux quelques services, ou, si l’occasion se présentait, pour en obtenir un haut prix des autorités anglaises ? Oui — et ce dernier fait, si important, put être formellement établi par les réponses d’Harry Felton. Ce ne serait qu’une question de rançon, si l’on parvenait à pénétrer jusqu’à ces indigènes. Quelques autres questions permirent de comprendre de plus que le capitaine John et Harry Felton avaient été si bien gardés que, pendant neuf ans, ils n’avaient pu trouver la moindre possibilité de s’enfuir.

Enfin, le moyen s’en était présenté. Un lieu de rendez-vous avait été choisi, où les deux prisonniers devaient se rejoindre pour s’échapper ensemble ; mais quelque circonstance, inconnue de Harry Felton, avait empêché le capitaine John de venir à l’endroit indiqué. Harry Felton avait attendu plusieurs jours ; ne voulant pas s’enfuir seul, il avait cherché à rejoindre la tribu ; elle s’était déplacée… Alors, bien résolu à revenir délivrer son capitaine, s’il parvenait à atteindre un des villages de l’intérieur, il s’était jeté à travers les régions du centre, se cachant pour éviter de retomber aux mains des indigènes, épuisé par les chaleurs, mourant de faim et de fatigue… Pendant six mois, il avait ainsi erré jusqu’au moment où il était tombé inanimé près des rives du Parru, sur la frontière méridionale du Queensland.

C’est là, on le sait, qu’il fut reconnu, grâce aux papiers qu’il portait sur lui. C’est de là qu’il fut ramené à Sydney, où sa vie s’était prolongée comme par miracle, afin qu’il pût dire ce que depuis tant d’années on cherchait vainement à savoir.

Ainsi, seul de tous ses compagnons, le capitaine John était vivant, mais il était prisonnier d’une tribu nomade, qui parcourait les déserts de la Terre de Tasman.