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mistress branican.

Le demi-mille qui les séparait du mât, vingt minutes furent employées à le franchir, car le sol était encombré de ronces et de pierres.

Lorsque le capitaine Ellis et ses compagnons eurent fait halte près du mât, ils virent qu’il était profondément engagé par le pied dans une excavation rocheuse — ce qui expliquait qu’il eût pu résister à de longues et rudes tourmentes. Ainsi que cela avait été déjà reconnu à l’aide de la lunette, ce mât — un bout-dehors de beaupré — provenait des débris du navire.

Quant au chiffon, cloué à sa pointe, ce n’était qu’un morceau de toile à voile, effiloché par les brises, sans aucun indice de nationalité.

Sur l’ordre du capitaine Ellis, les deux matelots se préparaient à abattre le mât, lorsque Zach Fren s’écria :

« Capitaine… là… voyez !…

— Qui donc, maître ?…

— Cette cloche ! »

Sur un bâti assez solide encore, il y avait une cloche, dont la poignée de métal était rongée de rouille. Ainsi les naufragés ne s’étaient pas contentés de dresser ce mât de signal et d’y attacher ce pavillon. Ils avaient transporté en cet endroit la cloche du bord, espérant qu’elle pourrait être entendue d’un bâtiment qui passerait en vue de l’île… Mais cette cloche ne portait-elle pas le nom du navire auquel elle appartenait, suivant l’usage à peu près commun à toutes les marines ? Le capitaine Ellis se dirigeait vers le bâti, lorsqu’il s’arrêta. Au pied de ce bâti gisaient les restes d’un squelette, ou, pour mieux dire, un amas d’ossements tombés sur le sol, auxquels n’adhéraient plus que quelques haillons. Ils étaient donc au nombre de cinq les survivants qui avaient trouvé refuge sur l’île Browse. Quatre étaient morts, et le cinquième était resté seul… Puis, un jour, il avait quitté la grotte, il s’était traîné jusqu’à l’extrémité du promontoire, il avait sonné cette cloche, pour se faire entendre