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mistress branican.

« Un mât ?… Non !… Il me semble que ce n’est qu’un tronc d’arbre », répondit le capitaine Ellis.

Puis, prenant sa lunette, il regarda avec plus d’attention l’objet signalé par Zach Fren.

« C’est vrai, dit-il, vous ne vous trompez pas, maître !… C’est un mât, et je crois apercevoir un morceau de pavillon déloqueté par le vent… Oui !… oui !… Ce doit être un signal !…

— Alors nous ferions peut-être bien de laisser arriver… dit le maître d’équipage.

— C’est mon avis », répondit le capitaine Ellis.

Et il donna ordre de porter sur l’île Browse à petite vapeur. Cet ordre fut immédiatement exécuté. Le Dolly-Hope commença à se rapprocher des récifs, qui faisaient ceinture à l’île sur environ trois cents pieds au large. La mer les battait violemment, non pas que le vent fût fort, mais parce que les courants poussaient la houle dans cette direction. Bientôt les détails de la côte apparurent nettement à l’œil nu. Ce littoral se présentait sous un aspect sauvage, aride, désolé, sans une échappée de verdure, et montrait des trous béants de caverne, où le ressac se propageait avec des bruits de tonnerre. Par intervalles, un morceau de grève jaunâtre coupait la ligne des roches, au-dessus desquelles voltigeaient des bandes d’oiseaux de mer. De ce côté, toutefois, on ne voyait rien des épaves d’un naufrage, ni débris de mâture, ni restes de coque. Le mât planté à la pointe extrême du promontoire devait être formé d’un bout-dehors de beaupré ; mais, quant à cette étamine, dont la brise agitait les lambeaux, il était impossible d’en discerner la couleur.

« Il y a là des naufragés… s’écria Zach Fren.

— Ou il y en a eu ! répondit le second.

— Il n’est pas douteux, dit le capitaine Ellis, qu’un bâtiment s’est mis au plein sur cette île.

— Ce qui est non moins certain, ajouta le second, c’est que des naufragés y ont trouvé refuge, puisqu’ils ont dressé ce mât de