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mistress branican.

Puis, d’une voix si profondément altérée que l’employé put à peine l’entendre :

« Depuis combien de temps Zach Fren est-il donc parti ?… demanda-t-elle.

— Depuis près de dix-huit mois…

— Dix-huit mois ! »

Dolly dut s’appuyer à l’angle du bureau… Son cœur avait cessé de battre pendant quelques instants. Soudain ses regards s’arrêtèrent sur une affiche appendue au mur, et qui indiquait les heures du service des steam-launches pour la saison d’été. En tête de l’affiche, il y avait ce mot et ces chiffres :


MARS 1879


Mars 1879 !… On l’avait trompée !… Il y avait quatre ans que son enfant était mort… quatre ans que John avait quitté San-Diégo !… Elle avait donc été folle pendant ces quatre années !… Oui !… Et si M. William Andrew, si le docteur Brumley lui avaient laissé croire que sa folie n’avait duré que deux mois, c’est qu’ils avaient voulu lui cacher la vérité sur le Franklin… C’est que, depuis quatre ans, on était sans nouvelles de John et de son navire !

Au grand effroi de l’employé, Mrs. Branican fut saisie d’un spasme violent. Mais un suprême effort lui permit de se dominer, et s’élançant hors du bureau, elle marcha rapidement à travers les rues de la basse ville.

Ceux qui virent passer cette femme, la figure pâle, les yeux hagards, durent penser que c’était une folle.

Et si elle ne l’était pas, la malheureuse Dolly, n’allait-elle pas le redevenir ?…

Où se dirigeait-elle ? Ce fut vers la maison de M. William Andrew, où elle arriva presque inconsciemment en quelques minutes. Elle