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abandonna le métier en 1857, et, depuis lors, il vécut au milieu de sa famille.

Mais quelle existence énervante ! Inoccupé, désœuvré, il était toujours sous l’obsession d’une idée fixe ! Ces vingt-quatre degrés et ces cinquante-neuf minutes voltigeaient sans cesse autour de sa tête comme de taquinantes mouches !… Enfin, la langue lui démangeant, il confia son secret à sa sœur, à sa nièce, à son neveu, à Gildas Trégomain. Aussi ledit secret ne tarda-t-il pas — en partie du moins — à transpirer dans toute la ville, même jusqu’au-delà de Saint-Servan et de Dinard. On sut qu’une fortune énorme, invraisemblable, insensée, devait tomber, un jour ou l’autre, entre les mains de maître Antifer, qu’elle ne pouvait lui échapper… Et on ne frappait pas une fois à sa porte, sans qu’il s’attendît à être salué par ces mots :

« Voici la longitude que vous attendez. »

Quelques années s’écoulèrent. Le messager de Kamylk-Pacha ne donnait pas signe de vie. Aucun étranger n’avait franchi le seuil de la maison. De là, surexcitation permanente de maître Antifer. Sa famille avait fini par ne plus croire à cette fortune, et la lettre lui semblait