Page:Verne - Mirifiques aventures de Maître Antifer, 1894.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant de grands hommes à la France — entre autres Duguay-Trouin dont notre digne marin saluait la statue toutes les fois qu’il traversait le square Lamennais, bien que cet écrivain ne l’intéressât à aucun titre, et Chateaubriand dont il ne connaissait que le dernier ouvrage. Par là, nous voulons dire le modeste et orgueilleux tombeau, élevé sur l’îlot du Grand-Bey, qui porte le nom de l’illustre auteur.

Maître Antifer (Pierre-Servan-Malo) était alors âgé de quarante-six ans. Depuis dix-huit mois, il avait pris sa retraite, avec une certaine aisance, qui suffisait aux siens et à lui. Quelques milliers de francs de rente, c’est ce que lui avait apporté sa navigation à bord des deux ou trois navires qu’il avait commandés et dont Saint-Malo avait toujours été le port d’attache. Ces navires, appartenant à la maison Le Baillif et Cie, faisaient le grand cabotage de la Manche, de la mer du Nord, de la Baltique et même de la Méditerranée. Avant d’en arriver à cette haute position, maître Antifer avait pas mal couru le monde, pendant le temps qu’il était au service. Bon marin, très entreprenant, très dur pour lui-même et aussi pour les autres, payant partout de sa