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domine le chemin de ronde du rempart. La voyez-vous d’ici, ses murs de granit, épais à défier les projectiles de l’ancien temps, ses fenêtres étroites à croisillons de fer, sa porte massive en cœur de chêne, enjolivée d’armatures de métal et munie d’un heurtoir qu’on entend de Saint-Servan, lorsque c’est maître Antifer qui en joue, son toit ardoisé percé de lucarnes, à travers lesquelles s’allonge parfois la lunette de l’ancien marin à la retraite ? Cette maison, moitié casemate, moitié bastide, avoisinant un angle de ces remparts qui font une ceinture à la ville, possède une superbe échappée de vue ; à droite, le Grand-Bey, un coin de Cézembre, la pointe du Décollé et le cap Fréhel — à gauche, la jetée et le môle, l’embouchure de la Rance, la plage du Prieuré, près de Dinard, et jusqu’au dôme grisâtre de Saint-Servan.

Autrefois, Saint-Malo était une île, et peut-être maître Antifer regrettait-il le temps où il aurait pu se considérer comme un insulaire. Mais l’antique Aaron est devenue presqu’île, et il avait bien fallu qu’il en prît son parti. D’ailleurs, on a le droit d’être fier quand on est enfant de cette cité de l’Armor, qui a donné