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tagnes d’arrière-plan d’un harmonieux profil, les multiples découpures du rivage, les villes maritimes qui surgissent inopinément au détour des hautes falaises dans leur cadre de verdure, respecté de l’hiver sous ce climat méditerranéen. Le gabarier apprécia-t-il comme il convenait ces beautés naturelles, et balanceraient-elles en son souvenir les points de vue de sa bien aimée Rance entre Dinard et Dinan ? Qu’éprouva-t-il en voyant Oran, dominée par le cône où s’accroche son fort, Alger étagée en amphithéâtre sur sa casbah, Stora perdue au milieu de ses roches d’un grandiose aspect, Bougie, Philippeville, Bône, mi-moderne et mi-antique, blottie au fond de son golfe. En un mot, quel fut l’état d’âme de Gildas Trégomain en présence de ce littoral superbe qui se déroulait devant ses yeux ? C’est là un point historique qui n’est pas fixé et qui ne le sera jamais sans doute.

Ce fut à peu près par le travers de La Calle que le Steersman, s’éloignant de la côte tunisienne, prit direction vers le cap Bon. Dans la soirée du 5 mars, les hauteurs de Carthage se dessinèrent un instant sur un fond de ciel d’un blanc cru, au moment où le soleil se couchait