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— Et la raison, mon bon Gildas ?… demandait la jeune fille, un peu inquiète.

— Il est si singulier, l’ami Antifer, aussitôt qu’il enfourche son dada et cavalcade au milieu de ses millions !… »

C’était bien l’opinion de Juhel. Lorsque l’on dépend d’un oncle, excellent homme mais quelque peu détraqué, on n’est sûr de rien, tant que le oui sacramentel n’a pas été prononcé devant le maire.

Et puis, quand il s’agit de ces familles de marins, il n’y a pas de temps à perdre. Ou il faut rester célibataires, comme l’étaient le maître au cabotage et le patron de gabare, ou il faut se marier dès que cela est permis et possible. Juhel devait embarquer, on le sait, en qualité de second sur un trois-mâts de la maison Le Baillif. Alors que de mois, que d’années même à travers les mers, à des mille lieues de sa femme, de ses enfants, si Dieu bénissait leur union, et l’on n’ignore pas qu’il ne marchande guère sa bénédiction aux conjoints des ports de guerre et de commerce ! Sans doute, fille de marin, Énogate était faite à cette idée que de longues navigations entraîneraient son mari loin d’elle, n’imaginant pas qu’il pût