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tifer et Ben-Omar entendirent les pas d’un homme qui, venant de ce côté, tournait l’angle du quai dans la direction de la gare. Ils se turent, ou du moins le notaire laissa en suspens une phrase commencée. On aurait même pu croire qu’il lançait un regard oblique audit passant, et faisait un signe de dénégation dont celui-ci parut très contrarié. En effet, un geste de dépit échappa à cet homme, et, pressant sa marche, il ne tarda pas à disparaître.

C’était un étranger, âgé de trente-trois ans, vêtu à l’égyptienne, teint bistré, œil noir et fulgurant, taille au-dessus de la moyenne, structure vigoureuse, air déterminé, physionomie peu engageante et même farouche. Le notaire et lui se connaissaient-ils donc ? c’était possible. Voulaient-ils, en ce moment, feindre de ne pas se connaître ? C’était certain.

Quoi qu’il en soit, maître Antifer ne remarqua point ce manège — un regard et un geste, rien de plus — et il reprit l’entretien.

« Maintenant, monsieur Ben-Omar, dit-il, voulez-vous m’expliquer pourquoi vous tenez tant à posséder cette lettre, à savoir ce qu’elle renfermait, et cela au point de vouloir me l’acheter, si je l’avais eue ?…