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IV


Ivan, Sangarre, Marfa, Nadia, puis des prisonniers, soldats, etc.


NADIA, bas. – Pourquoi nous conduit-on ici ?

MARFA, bas. – Pour m’interroger, sans doute, sur le compte de mon fils, mais j’ai compris qu’il ne voulait pas être reconnu !... il est déjà loin... Ils ne m’arracheront pas mon secret.

SANGARRE. – Regarde-moi, Marfa, regarde-moi bien !... Sais-tu qui je suis ?

MARFA, regardant Sangarre. – Oui ! l’espionne tartare que j’ai fait châtier !

SANGARRE. – Et qui te tient à son tour en son pouvoir !

NADIA, lui prenant la main. – Marfa !

MARFA, bas. – Ne crains rien pour moi, ma fille !

IVAN, à Marfa. – Tu te nommes ?...

MARFA. – Marfa Strogoff.

IVAN. – Tu as un fils ?

MARFA. – Oui !

IVAN. – Où est-il maintenant ?

MARFA. – À Moscou, je suppose.

IVAN. – Tu es sans nouvelles de lui ?

MARFA. – Sans nouvelles.

IVAN. – Quel est donc cet homme que tu appelais ton fils, hier, au poste de Kolyvan ?

MARFA. – Un Sibérien que j’ai pris pour lui. C’est le deuxième en qui je crois retrouver mon fils, depuis que Kolyvan est rempli d’étrangers.

IVAN. – Ainsi ce jeune homme n’était pas Michel Strogoff ?

MARFA. – Ce n’était pas lui.

IVAN. – Et tu ignores ce que ton fils est devenu ?

MARFA. – Je l’ignore.

IVAN. – Et depuis hier, tu ne l’as pas vu parmi les prisonniers ?

MARFA. – Non !

IVAN. – Écoute. Ton fils est ici, car aucun des fugitifs n’a pu échapper à ceux de nos soldats qui cernaient le poste de Kolyvan. Tous ces prisonniers vont passer devant tes yeux, et si tu ne me désignes pas ce Michel Strogoff, je te ferai périr sous le knout !

NADIA. – Grand Dieu !

MARFA. – Quand tu voudras, Ivan Ogareff. J’attends.

NADIA. – Pauvre Marfa !

MARFA. – Je serai courageuse !... je n’ai rien à craindre pour lui !

IVAN. – Qu’on amène les prisonniers. (À Sangarre.) Et toi, observe bien si l’un deux se trahit !

Les prisonniers défilent. – Michel Strogoff est parmi eux, mais quand il passe devant elle, Marfa ne bouge pas.

IVAN. – Eh bien ! ton fils ?

MARFA. – Mon fils n’est pas parmi ces prisonniers !

IVAN. – Tu mens !... désigne-le... parle... je le veux.

MARFA, résolument. – Je n’ai rien à vous dire.

SANGARRE, bas. – Oh ! je la connais, cette femme !... Sous le fouet, même expirante, elle ne parlera pas !...

IVAN. – Elle ne parlera pas, dis-tu !... Eh bien, il parlera, lui !... Saisissez cette femme, qu’elle soit frappée du knout jusqu’à ce qu’elle en meure !

Marfa est saisie par deux soldats et jetée à genoux sur le sol. Un soldat portant le knout se place derrière elle.

IVAN, au soldat. – Frappe !

Le knout est levé sur Marfa, Strogoff se précipite, arrache le knout et en frappe Ivan au visage.

STROGOFF. – Coup pour coup, Ogareff !

MARFA. – Qu’as-tu fait, malheureux !

IVAN. – L’homme du relais.

SANGARRE. – Michel Strogoff !

STROGOFF. – Moi-même ! Oui, moi, que tu as insulté, outragé ! moi dont tu veux assassiner la mère !

TOUS. – À mort ! À mort !

IVAN. – Ne tuez pas cet homme ! Qu’on prévienne l’émir !

MARFA. – Mon fils !... Ah ! pourquoi t’es-tu trahi !

STROGOFF. – J’ai pu me contenir quand ce traître m’a frappé !... Mais le fouet levé sur toi, ma mère !... oh ! c’était impossible !

IVAN. – Éloignez donc cette femme !... et qu’on le fouille !

Les soldats exécutent cet ordre.

STROGOFF, résistant. – Me fouiller ! Lâche ! misérable !

IVAN, lui prend la lettre qu’il portait sur sa poitrine et la lit. – Oh ! il était temps !... Cette lettre perdait tout !... Maintenant le Grand-Duc est à moi !


Scène V


Les mêmes, Féofar, et sa suite.


IVAN. – Émir Féofar, tu as un acte de justice à accomplir.

FÉOFAR. – Contre cet homme ?

IVAN. – Contre lui.

FÉOFAR. – Quel est-il ?

IVAN. – Un espion russe.

TOUS. – Un espion !...

MARFA. – Non, non... mon fils n’est pas un espion ! Cet homme a menti !...

IVAN. – Cette lettre, trouvée sur lui, indiquait le jour où une armée de secours doit arriver en vue d’Irkoutsk... le jour où faisant une sortie, le Grand-Duc nous aurait pris entre deux feux !

TOUS. – À mort ! à mort !