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pour vous, le pistolet pour moi, et nous nous battrons à quinze pas.

BLOUNT. – Yes ! comment vous arrangez cette chose. Vous disiez : une épée...

JOLLIVET. – Une épée pour vous...

BLOUNT. – Et une pistolet ?...

JOLLIVET. – Le pistolet pour moi, et nous nous battons à quinze pas... (Il éclate de rire.)

BLOUNT. – Mais vous moquez encore, mister Jollivet ?

JOLLIVET. – Croyez-moi, petit père, rendons-nous d’abord à Kolyvan, et nous nous battrons, quand nous aurons informé nos correspondants de l’issue de la bataille.

BLOUNT. – Yes !... Je attendrai vous là-bas.

JOLLIVET. – Si vous y arrivez avant moi !... ce dont je doute un peu !


Scène IX


Les mêmes, Nadia, le maître de police, voyageurs, un agent.


La cloche en ce moment, et tous les voyageurs accourent. Nadia sort de la maison de police, tenant son permis à la main.

L’AGENT, criant. – Les passeports, les passeports...

PREMIER VOYAGEUR. – On dit les nouvelles bien mauvaises, et le moindre retard nous perdrait !

L’agent distribue les passeports.

NADIA. – J’irai à pied jusqu’au prochain relais.

Au moment où les voyageurs vont quitter la cour, coup de trompette. Des Cosaques paraissent sur la route et ferment toute issue. Le maître de police sort de la maison, à gauche, et s’arrête sur les marches de la porte. Un des Cosaques lui remet un pli. Un roulement de tambour se fait entendre.

LE MAÎTRE DE POLICE. – Silence ! Écoutez tous ! (Lisant.) « Par arrêté du gouverneur de Moscou, défense à tout sujet russe, et sous quelque prétexte que ce soit, de passer la frontière. »

Cri de désappointement dans la foule.

NADIA. – Mon Dieu ! que dit-il ?

JOLLIVET, à Blount. – Cela ne nous regarde pas !...

BLOUNT. – Je passai toujours, moi.

NADIA, au maître de police. – Monsieur... monsieur... mon passeport est en règle, je puis passer, n’est-il pas vrai ?

LE MAÎTRE DE POLICE. – Vous êtes Russe... C’est impossible.

NADIA. – Monsieur... Je vais rejoindre mon père à Irkoutsk !... Il m’attend !... Chaque jour de retard, c’est un jour de douleur pour lui !... Il me sait partie !... Il peut me croire perdue, dans ce pays soulevé, au milieu de l’invasion tartare !... Laissez-moi passer, je vous en conjure !... Que peut faire au gouverneur qu’une pauvre fille comme moi se jette dans la steppe !... Si j’étais partie, il y a une heure, personne ne m’eût arrêtée !... Par pitié, monsieur, par pitié !

LE MAÎTRE DE POLICE. – Prières inutiles. L’ordre est formel. (Aux Cosaques.) Placez-vous à l’entrée de la route, et, à moins d’un permis spécial, que personne ne passe.

NADIA se traînant à ses pieds. – Monsieur !... monsieur !... Je vous en conjure, à mains jointes et à genoux, ayez pitié !... Ne nous condamnez pas, mon père et moi, à mourir désespérés et si loin l’un de l’autre !...

BLOUNT. – Oh ! j’étais très émou...

À ce moment, Strogoff sort de la maison de police.


Scène X


Les mêmes, Strogoff.


STROGOFF, allant à Nadia. – Pourquoi ces supplications et ces larmes, Nadia ?... Qu’importe que ton passeport soit valable ou non... puisque nous avons le mien qui est en règle.

NADIA, à part. – Que dit-il ?

STROGOFF, montrant son permis au maître de police. – Et personne, entendez-vous, personne n’a le droit de nous empêcher de partir !

NADIA, avec joie. – Ah !

LE MAÎTRE DE POLICE. – Votre permis ?...

STROGOFF. – Signé par le gouverneur général lui-même... Droit de passer partout, quelles que soient les circonstances, et sans que nul puisse s’y opposer !...

Le tarentass est amené au fond sur la route.

LE MAÎTRE DE POLICE. – Vous avez en effet le droit de passer... Mais elle...

STROGOFF, montrant le permis. – Autorisation d’être accompagné... Eh bien ! quoi de plus naturel que... ma soeur m’accompagne !

LE MAÎTRE DE POLICE. – Votre ?...

STROGOFF, tendant la main à Nadia. – Oui, ma soeur... Viens, Nadia.

NADIA, la saisissant. – Je te suis, frère !

BLOUNT. – Très fier... cette marchande !...

JOLLIVET. – Et très énergique... ami Blount.

BLOUNT. – Je n’étais pas votre ami, mister Jollivette.

JOLLIVET. – Jollivet !

BLOUNT. – Jollivette ! Jollivette... for ever !


Scène XI


Les mêmes, Ivan.


Ivan est revêtu d’un uniforme militaire russe, en petite tenue, comme un officier qui voyage.

IVAN, au maître de police. – Permis spécial ! (Il lui montre son permis.)

LE MAÎTRE DE POLICE. – Encore un signé par le gouverneur lui-même !

IVAN. – Un cheval !

LE MAÎTRE DE POSTE. – Il n’y en a plus.

JOLLIVET. – S’il y en avait...

BLOUNT, à Jollivet. – J’aurais retenu eux, d’abord.

JOLLIVET. – Et je vous les aurais pris, ensuite.

Blount lui tourne le dos avec colère.

IVAN. – À qui ce tarentass ?