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Quoi qu’il en soit, Ivan Ogareff avait su, jusqu’alors, échapper à toutes les recherches, et, très-probablement, il devait avoir rejoint l’armée tartare. Mais, à chaque station où s’arrêtait le train, des inspecteurs se présentaient qui examinaient les voyageurs et leur faisaient subir à tous une inspection minutieuse, car, par ordre du grand maître de police, ils étaient à la recherche d’Ivan Ogareff. Le gouvernement, en effet, croyait savoir que ce traître n’avait pas encore pu quitter la Russie européenne. Un voyageur paraissait-il suspect, il allait s’expliquer au poste de police ; pendant ce temps, le train repartait sans s’inquiéter en aucune façon du retardataire.

Avec la police russe, qui est très-péremptoire, il est absolument inutile de vouloir raisonner. Ses employés sont revêtus de grades militaires, et ils opèrent militairement. Le moyen, d’ailleurs, de ne pas obéir sans souffler mot à des ordres émanant d’un souverain qui a le droit d’employer cette formule en tête de ses ukases : « Nous, par la grâce de Dieu, empereur et autocrate de toutes les Russies, de Moscou, Kief, Wladimir et Novgorod, czar de Kazan, d’Astrakan, czar de Pologne, czar de Sibérie, czar de la Chersonèse Taurique, seigneur de Pskof, grand prince de Smolensk, de Lithuanie, de Volhynie, de Podolie et de Finlande, prince d’Esthonie, de Livonie, de Courlande et de Semigallie, de Bialystok, de Karélie, de Iougrie, de Perm, de Viatka, de Bolgarie et de plusieurs autres pays, seigneur et grand prince du territoire de Nijni-Novgorod, de Tchernigof, de Riazan, de Polotsk, de Rostof, de Jaroslavl, de Bielozersk, d’Oudorie, d’Obdorie, de Kondinie, de Vitepsk, de Mstislaf, dominateur des régions hyperboréennes, seigneur des pays d’Ivérie, de Kartalinie, de Grouzinie, de Kabardinie, d’Arménie, seigneur héréditaire et suzerain des princes tcherkesses, de ceux des montagnes et autres, héritier de la Norwége, duc de Schleswig-Holstein, de Stormarn, de Dittmarsen et d’Oldenbourg. » Puissant souverain, en vérité, que celui dont les armes sont un aigle à deux têtes, tenant un sceptre et un globe, qu’entourent les écussons de Novgorod, de Wladimir, de Kief, de Kazan, d’Astrakan, de Sibérie, et qu’enveloppe le collier de l’ordre de Saint-André, surmonté d’une couronne royale !

Quant à Michel Strogoff, il était en règle, et, par conséquent, à l’abri de toute mesure de police.

À la station de Wladimir, le train s’arrêta pendant quelques minutes, — ce qui parut suffire au correspondant du Daily-Telegraph pour prendre, au double point de vue physique et moral, un aperçu extrêmement complet de cette ancienne capitale de la Russie.

À la gare de Wladimir, de nouveaux voyageurs montèrent dans le train.