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fois arrivé au sommet de ces barrières, le voyageur n’éprouve plus aucune difficulté pour descendre dans le plateau d’Anahuac, et, en se prolongeant dans le nord, la route est belle jusqu’à Mexico. À travers de longues avenues d’ormes et de peupliers, on admire les cyprès plantés par les rois de la dynastie astèque, et les schinus, semblables aux saules pleureurs de l’Occident. Çà et là, les champs labourés et les jardins en fleur étalent leurs récoltes, tandis que pommiers, grenadiers et cerisiers respirent à l’aise sous ce ciel bleu foncé, que fait l’air sec et raréfié des hauteurs terrestres.

Les éclats de tonnerre se répétaient alors avec une extrême violence dans la montagne. La pluie et le vent, qui se taisaient parfois, rendaient les échos plus sonores.

José jurait à chaque pas. Le lieutenant Martinez, pâle et silencieux, jetait de mauvais regards sur son compagnon, qui se dressait devant lui comme un complice qu’il eût voulu faire disparaître !

Soudain un éclair illumina l’obscurité ! Le gabier et le lieutenant étaient sur le bord d’un abîme !…

Martinez marcha vivement à José. Il lui mit la main sur l’épaule, et, après les derniers roulements du tonnerre, il lui dit :

« José !… j’ai peur !…

— Peur de l’orage ?

— Je ne crains pas la tempête du ciel, José, mais j’ai peur de l’orage qui se déchaîne en moi !…

— Ah ! vous pensez encore à don Orteva !… Allons, lieutenant, vous me faites rire ! » répondit José, qui ne riait pas, car Martinez avait les yeux hagards, en le regardant.

Un formidable coup de tonnerre retentit.

« Tais-toi, José, tais-toi ! s’écria Martinez, qui ne semblait plus être maître de lui.

— La nuit est bien choisie pour me sermonner ! reprit le gabier. Si vous avez peur, lieutenant, bouchez-vous les yeux et les oreilles !

— Il me semble, s’écria Martinez, que je vois le capitaine… don Orteva… la tête brisée !… là… là… »

Une ombre noire, illuminée d’un éclair blanchâtre, se dressa à vingt pas du lieutenant et de son compagnon.

Au même instant, José vit près de lui Martinez, pâle, défait, sinistre, le bras armé d’un poignard !

« Qu’est-ce que c’est ?… » s’écria-t-il.