Page:Verne - Michel Strogoff - Un drame au Mexique, 1905.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le lieutenant et le gabier ne prirent pas garde à cette particularité, qui, d’ailleurs, n’avait rien de bien extraordinaire.

Martinez et José s’abritèrent donc sous une sorte de masure, et préparèrent pour leur repas une tête de mouton cuite à l’étuvée. Ils creusèrent un trou dans le sol, et, après l’avoir rempli de bois enflammé et de cailloux propres à conserver la chaleur, ils laissèrent se consumer les matières combustibles ; puis, sur les cendres brûlantes, ils déposèrent, sans aucune préparation, la viande entourée de feuilles aromatiques, et ils recouvrirent hermétiquement le tout de branchages et de terre pilée. Quelque temps après, leur dîner était à point, et ils le dévorèrent en hommes dont une longue route avait aiguisé l’appétit. Ce repas terminé, ils s’étendirent sur le sol, le poignard à la main. Puis, la fatigue l’emportant sur la dureté de la couche et la morsure incessante des maringouins, ils ne tardèrent pas à s’endormir.

Cependant, Martinez répéta plusieurs fois, dans un rêve agité, les noms de Jacopo et de Pablo, dont la disparition le préoccupait sans cesse.


III

DE CIGUALAN À TASCO.



Le lendemain, les chevaux étaient sellés et bridés au point du jour. Les voyageurs, reprenant les sentiers demi-frayés qui serpentaient devant eux, s’enfoncèrent dans l’est au devant du soleil. Leur voyage s’annonçait sous de favorables auspices. Sans la marche taciturne du lieutenant, qui contrastait avec la bonne humeur du gabier, on les eût pris pour les plus honnêtes gens de la terre.

Le terrain montait de plus en plus. L’immense plateau de Chilpanzingo, où règne le plus beau climat du Mexique, ne tarda pas à se développer jusqu’aux limites extrêmes de l’horizon. Ce pays, qui appartient aux terres tempérées, est situé à quinze cents mètres au-dessus du niveau de la mer, et il ne connaît ni les chaleurs des terrains inférieurs, ni les froids des zones plus élevées. Mais, laissant cette oasis sur leur droite, les deux Espagnols arrivèrent au petit village de San-Pedro, et, après trois heures d’arrêt, ils reprirent leur route en se dirigeant vers la petite ville de Tutela-del-Rio.

« Où coucherons-nous ce soir ? demanda Martinez.