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« Pourquoi cette manœuvre ? »

Martinez, sans lui répondre, quitta le banc de quart et courut au gaillard d’avant.

« La barre dessous ! commanda-t-il. — Aux bras de bâbord devant ! — Brasse ! — File l’écoute du grand foc ! »

En ce moment, des détonations nouvelles éclataient à bord de l’Asia.

L’équipage obéit aux ordres du lieutenant, et le brick, venant vivement au vent, s’arrêta immobile, en panne sous son petit hunier.

Don Orteva, se retournant alors vers les quelques hommes qui s’étaient rangés autour de lui :

« À moi, mes braves ! » s’écria-t-il.

Et s’avançant vers Martinez :

« Qu’on s’empare de cet officier ! dit-il.

— Mort au commandant ! » répondit Martinez.

Pablo et deux officiers mirent l’épée et le pistolet à la main. Quelques matelots, Jacopo en tête, s’élancèrent pour les soutenir ; mais, arrêtés aussitôt par les mutins, ils furent désarmés et mis dans l’impuissance d’agir.

Les soldats de marine et l’équipage se rangèrent dans toute la largeur du navire et s’avancèrent contre leurs officiers. Les hommes fidèles, acculés à la dunette, n’avaient plus qu’un parti à prendre : c’était de s’élancer sur les rebelles.

Don Orteva dirigea le canon de son pistolet sur Martinez.

En ce moment, une fusée s’élança du bord de l’Asia.

« Vainqueurs ! » s’écria Martinez.

La balle de don Orteva alla se perdre dans l’espace.

Cette scène ne fut pas longue. Le capitaine attaqua le lieutenant corps à corps ; mais, bientôt accablé par le nombre et grièvement blessé, on se rendit maître de lui. Ses officiers, quelques instants après, eurent partagé son sort.

Des fanaux furent alors hissés dans les manœuvres du brick et répondirent à ceux de l’Asia. La révolte avait également éclaté et triomphé à bord du vaisseau.

Le lieutenant Martinez était maître de la Constanzia, et ses prisonniers furent jetés pêle-mêle dans la chambre du conseil.

Mais avec la vue du sang s’étaient ravivés les instincts féroces de l’équipage. Ce n’était pas assez d’avoir vaincu, il fallait tuer.

« Égorgeons-les ! s’écrièrent plusieurs de ces furieux. À mort ! Il n’y a qu’un homme mort qui ne parle pas ! »

Le lieutenant Martinez, à la tête de mutins sanguinaires, s’élança vers la