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Le passage de l’Angara ayant été regardé par Ivan Ogareff comme impraticable devant Irkoutsk, une forte partie des troupes traversa le fleuve, à quelques verstes en aval, sur des ponts de bateaux qui furent établis à cet effet. Le grand-duc ne tenta pas de s’opposer à ce passage. Il n’eût pu que le gêner, non l’empêcher, n’ayant point d’artillerie de campagne à sa disposition, et c’est avec raison qu’il resta renfermé dans Irkoutsk.

Les Tartares occupèrent donc la rive droite du fleuve ; puis, ils remontèrent vers la ville, ils brûlèrent en passant la maison d’été du gouverneur général, située dans les bois qui dominent de haut le cours de l’Angara, et ils vinrent définitivement prendre position pour le siége, après avoir entièrement investi Irkoutsk.

Ivan Ogareff, ingénieur habile, était très-certainement en état de diriger les opérations d’un siége régulier ; mais les moyens matériels lui manquaient pour opérer rapidement. Aussi, avait-il espéré surprendre Irkoutsk, le but de tous ses efforts.

On voit que les choses avaient tourné autrement qu’il ne comptait. D’une part, marche de l’armée tartare retardée par la bataille de Tomsk ; de l’autre, rapidité imprimée par le grand-duc aux travaux de défense : ces deux raisons avaient suffi à faire échouer ses projets. Il se trouva donc dans la nécessité de faire un siége en règle.

Cependant, sous son inspiration, l’émir essaya deux fois d’enlever la ville au prix d’un grand sacrifice d’hommes. Il jeta ses soldats sur les fortifications en terre qui présentaient quelques points faibles ; mais ces deux assauts furent repoussés avec le plus grand courage. Le grand-duc et ses officiers ne se ménagèrent pas en cette occasion. Ils donnèrent de leur personne ; ils entraînèrent la population civile aux remparts. Bourgeois et moujiks firent remarquablement leur devoir. Au second assaut, les Tartares étaient parvenus à forcer une des portes de l’enceinte. Un combat eut lieu en tête de cette grande rue de Bolchaïa, longue de deux verstes, qui vient aboutir aux rives de l’Angara. Mais les Cosaques, les gendarmes, les citoyens, leur opposèrent une vive résistance, et les Tartares durent rentrer dans leurs positions.

Ivan Ogareff pensa alors à demander à la trahison ce que la force ne pouvait lui donner. On sait que son projet était de pénétrer dans la ville, d’arriver jusqu’au grand-duc, de capter sa confiance, et, le moment venu, de livrer une des portes aux assiégeants ; puis, cela fait, d’assouvir sa vengeance sur le frère du czar.

La tsigane Sangarre, qui l’avait accompagné au camp de l’Angara, le poussa à mettre ce projet à exécution.