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Arrivée aux dernières maisons de la bourgade, Nadia se laissa tomber sur un banc de pierre.

« Nous faisons halte ? lui demanda Michel Strogoff.

— La nuit est venue, Michel, répondit Nadia. Ne veux-tu pas te reposer quelques heures ?

— J’aurais voulu passer le Dinka, répondit Michel Strogoff, j’aurais voulu le mettre entre nous et l’avant-garde de l’émir. Mais tu ne peux plus même te traîner, ma pauvre Nadia !

— Viens, Michel, » répondit Nadia, qui saisit la main de son compagnon et l’entraîna.

C’était à deux ou trois verstes de là que le Dinka coupait la route d’Irkoutsk. Ce dernier effort que lui demandait son compagnon, la jeune fille voulut le tenter. Tous deux marchèrent donc à la lueur des éclairs. Ils traversaient alors un désert sans limites, au milieu duquel se perdait la petite rivière. Pas un arbre, pas un monticule ne faisait saillie sur cette vaste plaine, qui recommençait la steppe sibérienne. Pas un souffle ne traversait l’atmosphère, dont le calme eût laissé le moindre son se propager à une distance infinie.

Soudain, Michel Strogoff et Nadia s’arrêtèrent, comme si leurs pieds eussent été saisis dans quelque crevasse du sol.

Un aboiement avait traversé la steppe.

« Entends-tu ? » dit Nadia.

Puis, un cri lamentable lui succéda, un cri désespéré, comme le dernier appel d’un être humain qui va mourir.

« Nicolas ! Nicolas ! » s’écria la jeune fille, poussée par quelque sinistre pressentiment.

Michel Strogoff, qui écoutait, secoua la tête.

« Viens, Michel, viens, » dit Nadia.

Et elle, qui tout à l’heure se traînait à peine, recouvra soudain ses forces sous l’empire d’une violente surexcitation.

« Nous avons quitté la route ? dit Michel Strogoff, sentant qu’il foulait, non plus un sol poudreux, mais une herbe rase.

— Oui… il le faut !… répondit Nadia. C’est de là, sur la droite, que le cri est venu ! »

Quelques minutes après, tous deux n’étaient plus qu’à une demi-verste de la rivière.

Un second aboiement se fit entendre, mais, quoique plus faible, il était certainement plus rapproché.