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bras, d’importance inégale, que les eaux suivaient avec rapidité. Entre ces bras reposent plusieurs îles, plantées d’aunes, de saules et de peupliers, qui semblaient être autant de navires verdoyants, ancrés dans le fleuve. Au delà s’étageaient les hautes collines de la rive orientale, couronnées de forêts dont les cimes s’empourpraient alors de lumière. En amont et en aval, l’Yeniseï s’enfuyait à perte de vue. Tout cet admirable panorama s’arrondissait pour le regard sur un périmètre de cinquante verstes.

Mais, pas une embarcation, ni sur la rive gauche, ni sur la rive droite, ni à la berge des îles. Toutes avaient été emmenées ou détruites par ordre. Très-certainement, si les Tartares ne faisaient pas venir du sud le matériel nécessaire à l’établissement d’un pont de bateaux, leur marche vers Irkoutsk serait arrêtée pendant un certain temps devant cette barrière de l’Yeniseï.

« Je me souviens, dit alors Michel Strogoff. Il y a plus haut, aux dernières maisons de Krasnoiarsk, un petit port d’embarquement. C’est là que les bacs accostent. Ami, remontons le cours du fleuve, et vois si quelque barque n’a pas été oubliée sur la rive. »

Nicolas s’élança dans la direction indiquée. Nadia avait pris Michel Strogoff par la main et le guidait d’un pas rapide. Une barque, un simple canot assez grand pour porter la kibitka, ou, à son défaut, ceux qu’elle avait amenés jusqu’ici, et Michel Strogoff n’hésiterait pas à tenter le passage !

Vingt minutes après, tous trois avaient atteint le petit port d’embarquement, dont les dernières maisons s’abaissaient au niveau du fleuve. C’était une sorte de village placé au bas de Krasnoiarsk.

Mais il n’y avait pas une embarcation sur la grève, pas un canot à l’estacade qui servait d’embarcadère, rien même dont on pût construire un radeau suffisant pour trois personnes.

Michel Strogoff avait interrogé Nicolas, et celui-ci lui avait fait cette décourageante réponse que la traversée du fleuve lui semblait être absolument impraticable.

« Nous passerons, » répondit Michel Strogoff.

Et les recherches continuèrent. On fouilla les quelques maisons assises sur la berge et abandonnées comme toutes celles de Krasnoiarsk. Il n’y avait qu’à en pousser les portes. C’étaient des cabanes de pauvres gens, entièrement vides. Nicolas visitait l’une, Nadia parcourait l’autre. Michel Strogoff, lui-même, entrait çà et là et cherchait à reconnaître de la main quelque objet qui pût lui être utile.

Nicolas et la jeune fille, chacun de son côté, avaient vainement fureté dans ces