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était ombragé, des cigognes apprivoisées, venues de Boukhara avec l’armée tartare, tourbillonnaient par centaines.

Ces terrasses avaient été réservées à la cour de l’émir, aux khans ses alliés, aux grands dignitaires des khanats et aux harems de chacun de ces souverains du Turkestan.

De ces sultanes, qui ne sont pour la plupart que des esclaves achetées sur les marchés de la Transcaucasie et de la Perse, les unes avaient le visage découvert, les autres portaient un voile qui les dérobait au regard. Toutes étaient vêtues avec un luxe extrême. D’élégantes pelisses, dont les manches relevées en arrière se rattachaient à la façon du pouf européen, laissaient voir leurs bras nus, chargés de bracelets réunis par des chaînes de pierres précieuses, et leurs petites mains, dont les doigts étaient teints aux ongles du suc du « henneh ». Au moindre mouvement de ces pelisses, les unes en étoffes de soie, comparables pour la finesse à des toiles d’araignée, les autres faites d’un souple « aladja », qui est un tissu de coton à rayures étroites, il se produisait ce frou-frou si agréable aux oreilles des Orientaux. Sous ce premier vêtement chatoyaient des jupes de brocart, recouvrant le pantalon de soie qui se rattachait un peu au-dessus de fines bottes, gracieusement échancrées et brodées de perles. De celles de ces femmes qu’aucun voile ne cachait, on eût admiré les longues nattes s’échappant de turbans aux couleurs variées, les yeux admirables, les dents magnifiques, le teint éblouissant, relevé encore par la noirceur de leurs sourcils que reliait un léger trait tracé au collyre, et par l’estompe de leurs paupières, touchées d’un peu de plombagine.

Au pied des terrasses abritées sous les étendards et les oriflammes, veillaient les gardes particuliers de l’émir, double sabre recourbé au flanc, poignard à la ceinture, lance longue de dix pieds au poing. Quelques-uns de ces Tartares portaient des bâtons blancs, d’autres d’énormes hallebardes, ornées de houppes faites de fils d’argent et d’or.

Tout autour, jusqu’aux arrière-plans de ce vaste plateau, sur les talus escarpés dont le Tom baignait la base, se massait une foule cosmopolite, composée de tous les éléments indigènes de l’Asie centrale. Les Usbecks étaient là avec leurs grands bonnets de peau de brebis noire, leur barbe rouge, leurs yeux gris, leur « arkalouk », sorte de tunique taillée à la mode tartare. Là se pressaient des Turcomans, revêtus du costume national, large pantalon de couleur voyante avec veste et manteau tissus de poil de chameau, bonnets rouges coniques ou évasés, hautes bottes en cuir de Russie, le briquet et le couteau suspendus à la taille par une lanière ; là, près de leurs maîtres, se montraient ces femmes