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La tsigane n’eut donc plus qu’une pensée : prévenir Ivan Ogareff. Elle quitta donc aussitôt le campement.

Un quart d’heure après, elle arrivait à Zabédiero et était introduite dans la maison qu’occupait le lieutenant de l’émir.

Ivan Ogareff reçut immédiatement la tsigane.

« Que me veux-tu, Sangarre ? lui demanda-t-il.

— Le fils de Marfa Strogoff est au campement, répondit Sangarre.

— Prisonnier ?

— Prisonnier !

— Ah ! s’écria Ivan Ogareff, je saurai…

— Tu ne sauras rien, Ivan, répondit la tsigane, car tu ne le connais même pas !

— Mais tu le connais, toi ! Tu l’as vu, Sangarre !

— Je ne l’ai pas vu, mais j’ai vu sa mère se trahir par un mouvement qui m’a tout appris.

— Ne te trompes-tu pas ?

— Je ne me trompe pas.

— Tu sais l’importance que j’attache à l’arrestation de ce courrier, dit Ivan Ogareff. Si la lettre qui lui a été remise à Moscou parvient à Irkoutsk, si elle est remise au grand-duc, le grand-duc sera sur ses gardes, et je ne pourrai arriver à lui ! Cette lettre, il me la faut donc à tout prix ! Or, tu viens me dire que le porteur de cette lettre est en mon pouvoir ! Je te le répète, Sangarre, ne te trompes-tu pas ? »

Ivan Ogareff avait parlé avec une grande animation. Son émotion témoignait de l’extrême importance qu’il attachait à la possession de cette lettre. Sangarre ne fut aucunement troublée de l’insistance avec laquelle Ivan Ogareff précisa de nouveau sa demande.

« Je ne me trompe pas, Ivan, répondit-elle.

— Mais, Sangarre, il y a au campement plusieurs milliers de prisonniers, et tu dis que tu ne connais pas Michel Strogoff !

— Non, répondit la tsigane, dont le regard s’imprégna d’une joie sauvage, je ne le connais pas, moi, mais sa mère le connaît ! Ivan, il faudra faire parler sa mère !

— Demain, elle parlera ! » s’écria Ivan Ogareff.

Puis, il tendit sa main à la tsigane, et celle-ci la baisa, sans que dans cet acte de respect, habituel aux races du Nord, il y eût rien de servile.

Sangarre rentra au campement. Elle retrouva la place occupée par Nadia et