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Il s’arrêta et distingua nettement de sourds roulements qui ébranlaient les couches d’air, et, au-dessus, une crépitation plus sèche dont la nature ne pouvait le tromper.

« C’est le canon ! c’est la fusillade ! se dit-il. Le petit corps russe est-il donc aux prises avec l’armée tartare ! Ah ! fasse le ciel que j’arrive avant eux à Kolyvan ! »

Michel Strogoff ne se trompait pas. Bientôt, les détonations s’accentuèrent peu à peu, et, en arrière, sur la gauche de Kolyvan, des vapeurs se condensèrent au-dessus de l’horizon, — non pas des nuages de fumée, mais de ces grosses volutes blanchâtres, très-nettement profilées, que produisent les décharges d’artillerie.

Sur la gauche de l’Obi, les cavaliers usbecks s’étaient arrêtés pour attendre le résultat de la bataille.

De ce côté, Michel Strogoff n’avait plus rien à craindre. Aussi hâta-t-il sa marche vers la ville.

Cependant, les détonations redoublaient et se rapprochaient sensiblement. Ce n’était plus un roulement confus, mais une suite de coups de canon distincts. En même temps, la fumée, ramenée par le vent, s’élevait dans l’air, et il fut même évident que les combattants gagnaient rapidement au sud. Kolyvan allait être évidemment attaquée par sa partie septentrionale. Mais les Russes la défendaient-ils contre les troupes tartares, ou essayaient-ils de la reprendre sur les soldats de Féofar-Khan ? c’est ce qu’il était impossible de savoir. De là, grand embarras pour Michel Strogoff.

Il n’était plus qu’à une demi-verste de Kolyvan, lorsqu’un long jet de feu fusa entre les maisons de la ville, et le clocher d’une église s’écroula au milieu de torrents de poussière et de flammes.

La lutte était-elle alors dans Kolyvan ? Michel Strogoff dut le penser, et, dans ce cas, il était évident que Russes et Tartares se battaient dans les rues de la ville. Était-ce donc le moment d’y chercher refuge ? Michel Strogoff ne risquait-il pas d’y être pris, et réussirait-il à s’échapper de Kolyvan, comme il s’était échappé d’Omsk ?

Toutes ces éventualités se présentèrent à son esprit. Il hésita, il s’arrêta un instant. Ne valait-il pas mieux, même à pied, gagner au sud et à l’est quelque bourgade, telle que Diachinks ou autre, et là se procurer à tout prix un cheval ?

C’était le seul parti à prendre, et aussitôt, abandonnant les rives de l’Obi, Michel Strogoff se porta franchement sur la droite de Kolyvan.

En ce moment, les détonations étaient extrêmement violentes. Bientôt des