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jonctures actuelles, les voyageurs se souciaient peu, en effet, de s’aventurer sur les routes sibériennes.

De ce concours de circonstances, il résulta qu’Harry Blount et Alcide Jolivet trouvèrent facilement à remplacer par une télègue complète la fameuse demi-télègue qui les avait transportés tant bien que mal à Ekaterinbourg. Quant à Michel Strogoff, le tarentass lui appartenait, il n’avait pas trop souffert du voyage à travers les monts Ourals, et il suffisait d’y atteler trois bons chevaux pour l’entraîner rapidement sur la route d’Irkoutsk.

Jusqu’à Tioumen et même jusqu’à Novo-Zaimskoë, cette route devait être assez accidentée, car elle se développait encore sur ces capricieuses ondulations du sol qui donnent naissance aux premières pentes de l’Oural. Mais, après l’étape de Novo-Zaimskoë, commençait l’immense steppe, qui s’étend jusqu’aux approches de Krasnoiarsk, sur un espace de dix-sept cents verstes environ (1,815 kilomètres).

C’était à Ichim, on le sait, que les deux correspondants avaient l’intention de se rendre, c’est-à-dire à six cent trente verstes d’Ekaterinbourg. Là, ils devaient prendre conseil des événements, puis se diriger à travers les régions envahies, soit ensemble, soit séparément, suivant que leur instinct de chasseurs les jetterait sur une piste ou sur une autre.

Or, cette route d’Ekaterinbourg à Ichim — qui se dirige vers Irkoutsk — était la seule que pût prendre Michel Strogoff. Seulement, lui qui ne courait pas après les nouvelles, et qui aurait voulu éviter, au contraire, le pays dévasté par les envahisseurs, il était bien résolu à ne s’arrêter nulle part.

« Messieurs, dit-il donc à ses nouveaux compagnons, je serai très-satisfait de faire avec vous une partie de mon voyage, mais je dois vous prévenir que je suis extrêmement pressé d’arriver à Omsk, car ma sœur et moi nous y allons rejoindre notre mère. Qui sait même si nous arriverons avant que les Tartares aient envahi la ville ! Je ne m’arrêterai donc aux relais que le temps de changer de chevaux, et je voyagerai jour et nuit !

— Nous comptons bien en agir ainsi, répondit Harry Blount.

— Soit, reprit Michel Strogoff, mais ne perdez pas un instant. Louez ou achetez une voiture dont…

— Dont l’arrière-train, ajouta Alcide Jolivet, veuille bien arriver en même temps que l’avant-train à Ichim. »

Une demi-heure après, le diligent Français avait trouvé, facilement d’ailleurs, un tarentass, à peu près semblable à celui de Michel Strogoff, et dans lequel son compagnon et lui s’installèrent aussitôt.