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le dernier enjeu.

Comment, nous avons une occasion, unique peut-être, une occasion qui peut ne jamais se représenter, d’être maîtres du sort, maîtres de la fortune, et nous la laisserions échapper par notre faute !… Silas, vous ne sentez donc pas que la chance…

— Si elle n’est pas épuisée ! murmura Silas Toronthal.

— Non ! cent fois non ! répondit Sarcany. Cela ne s’explique pas, pardieu, mais cela se sent, cela vous pénètre jusqu’aux moelles !… Un million nous attend, ce soir, sur les tables du Casino !… Oui ! un million, et je ne le laisserai pas échapper !

— Jouez donc, Sarcany !

— Moi !… jouer seul ?… Non ! Jouer avec vous, Silas !… Oui !… Et s’il fallait choisir entre nous deux, ce serait à vous que je céderais la place !… La veine est personnelle et il est manifeste qu’elle vous est revenue !… Jouez donc et vous gagnerez !… Je le veux ! »

En somme, ce que voulait Sarcany, c’était que Silas Toronthal ne se contentât pas de quelques centaines de mille francs qui lui eussent permis d’échapper à sa domination. Ce qu’il voulait, c’était que son complice redevînt le millionnaire qu’il était, ou qu’il fût réduit à rien. Riche, il continuerait l’existence qu’ils avaient menée jusqu’alors.