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le dernier enjeu.

Les mains de Silas Toronthal tremblaient en s’allongeant sur le tapis, lorsqu’il avançait sa mise ou quand il saisissait, jusque sous le râteau, l’or et les billets des croupiers.

Sarcany, toujours maître de lui-même, ne laissait pas une seule de ses impressions se traduire sur son visage. Il se contentait d’encourager son associé du regard, et c’était Silas Toronthal, en somme, que la chance suivait avec plus de constance en ce moment.

Pointe Pescade, bien qu’un peu grisé par ce va-et-vient de l’or et des billets, ne cessait de les observer tous les deux. Cette fortune, qui se refaisait sous leurs mains, il se demandait s’ils seraient assez prudents pour la garder, s’ils sauraient s’arrêter à temps.

Puis, la réflexion lui vint que dans le cas où Sarcany et Silas Toronthal auraient cette sagesse — ce dont il doutait d’ailleurs, — ils pourraient être tentés de quitter Monte-Carlo, de fuir en quelque autre coin de l’Europe, où il faudrait les rejoindre. L’argent ne leur manquant pas, ils ne seraient plus à la discrétion du docteur Antékirtt.

« Décidément, pensa-t-il, tout compte fait, mieux vaut qu’ils se ruinent, et je me trompe fort si ce