Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 3.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

66
mathias sandorf.

rieure à deux cent mille francs. C’était la misère à bref délai.

Mais, s’ils étaient à peu près ruinés, ils n’avaient pas encore perdu la raison, et, tandis qu’ils causaient sur la terrasse, ils purent apercevoir un joueur, la tête égarée, qui courait à travers les jardins en criant :

« Il tourne toujours !… Il tourne toujours ! »

Le malheureux s’imaginait qu’il venait de ponter sur le numéro destiné à sortir, et que le cylindre, dans un mouvement de giration fantastique, tournait et allait tourner jusqu’à la fin des siècles !… Il était fou.

« Êtes-vous enfin redevenu plus calme, Silas ? demanda Sarcany à son compagnon qui ne se possédait plus. Que cet insensé vous apprenne à ne pas perdre la tête !… Nous n’avons pas réussi, c’est vrai, mais la chance nous reviendra, parce qu’il faut qu’elle revienne, et sans que nous fassions rien pour la ramener !… Ne cherchons pas à l’améliorer ! C’est dangereux, et d’ailleurs c’est inutile !… On ne réussit pas à changer une veine si elle est mauvaise, et rien ne peut la troubler si elle est bonne !… Attendons, et lorsqu’elle sera revenue, ayons assez d’audace pour forcer notre jeu dans la veine ! »