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la fête des cigognes.

Cap Matifou, après avoir saisi une perche, longue de vingt-cinq à trente pieds, la tenait verticalement de ses deux mains ramenées contre sa poitrine. À l’extrémité de cette perche, Pointe Pescade, qui venait d’y grimper avec l’agilité d’un singe, se balançait dans des poses d’une étonnante hardiesse, en lui imprimant une courbure inquiétante.

Mais Cap Matifou restait inébranlable, tout en se déplaçant peu à peu, afin de conserver son équilibre. Puis, quand il fut près du mur de la maison de Sîdi Hazam, il eut la force de hisser la perche à bout de bras, tandis que Pointe Pescade prenait l’attitude d’une Renommée qui envoyait des baisers au public.

La foule des Arabes et des nègres, absolument transportée, hurlait de la bouche, battait des mains, trépignait des pieds. Non, jamais le Samson du Désert, l’intrépide Mustapha, le plus hardi des Touaregs, ne s’était élevé à une pareille hauteur !

En ce moment, un coup de canon retentit sur le terre-plein de la forteresse de Tripoli. À ce signal, les centaines de cigognes, subitement délivrées des immenses filets qui les retenaient prisonnières, s’enlevèrent dans l’air, et une grêle de fausses pierres commença à tomber sur la plaine, au milieu d’un assourdissant concert de cris aériens, auquel ré-