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la fête des cigognes.

À l’instant où le coup de canon s’était fait entendre, cette foule des nomades était encore occupée au repas du soir. Ici, le mouton rôti, le pilau de poulets pour ceux qui étaient Turcs et voulaient le paraître ; là, le couscoussou pour les Arabes de quelque aisance ; plus loin, une simple « bazîna », sorte de bouillie de farine d’orge à l’huile, pour la multitude des pauvres diables, dont les poches contenaient plus de mahboubs de cuivre que de mictals d’or ; puis, partout et à flots, le « lagby », ce suc du dattier, qui, lorsqu’il est porté à l’état de bière alcoolique, peut pousser aux derniers excès de l’ivresse.

Quelques minutes après le coup de canon, hommes, femmes, enfants, Turcs, Arabes, Nègres, ne se possédaient déjà plus. Il fallait que les instruments de ces orchestres barbares eussent une effroyable sonorité pour se faire entendre au milieu d’un pareil brouhaha humain. Çà et là, les cavaliers bondissaient en déchargeant leurs longs fusils et leurs pistolets d’arçons, pendant que des pièces d’artifices, des boîtes assourdissantes, détonaient comme des bouches à feu, au milieu d’un tumulte qu’il serait impossible de peindre.

Ici, à la lumière des torches, au crépitement des tambours de bois, à la mélopée d’un chant mono-