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mathias sandorf.

Si l’on compte plus de quinze cent mille habitants dans la Tripolitaine, avec six mille hommes de troupe, — un millier pour le Djébel et cinq cents pour la Cyrénaïque, — la ville de Tripoli, prise à part, n’a pas plus de vingt à vingt-cinq mille âmes. Mais, ce jour-là, on peut affirmer que cette population s’était au moins doublée par le concours des curieux, venus de tous les points du territoire. Ces « ruraux », il est vrai, n’avaient point cherché refuge dans la capitale de la Régence. Entre les murailles peu élastiques de l’enceinte fortifiée, ni les maisons que la mauvaise qualité de leurs matériaux change bientôt en ruines, ni les rues étroites, tortueuses, sans pavés, — on pourrait même dire sans ciel, — ni le quartier voisin du môle, où se trouvent les consulats, ni le quartier de l’ouest, où s’empile la tribu juive, ni ce qui reste de la ville pour les besoins de la race musulmane, n’auraient pu contenir une pareille invasion de populaire.

Mais la plaine de Soung-Ettelâtè était assez vaste pour la foule des spectateurs, accourus à cette fête des Cigognes, dont la légende est toujours en honneur dans les pays orientaux de l’Afrique. Cette plaine, — un morceau de Sahara, à sable jaune, que la mer envahit quelquefois par les grands vents d’est, — entoure la ville sur trois